Chypre fait partie de l’Union Européenne et peut paraître attractif et propice aux affaires car le pays offre une infrastructure relativement moderne, des ressources en main d’œuvre efficaces et relativement bon marché, des formes de sociétés commerciales faciles à mettre en œuvre et qui fonctionnent bien et enfin un taux d’imposition à 12,5 % pour les sociétés qui est parmi les plus bas en Europe.
Il reste tout de même des risques et des écueils que les entreprises étrangères doivent prendre en considération pour éviter d’y laisser des plumes.
En dépit du fait qu’il s’agisse plutôt d’un petit pays en termes de taille, Chypre ou autrement nommé la République de Chypre a été un point d’ancrage important au cours des dernières décennies pour les entreprises commercialement actives dans la région méditerranéenne ou qui souhaitent un ponton vers le Proche Orient et le Moyen-Orient.
Ce pays a souffert de crises politiques assez graves dont celle en 1974 qui a conduit une partie de l’île de Chypre de faire sécession. Cette partie Nord de l’île est sous administration turque.
En contractant avec une entreprise de l’île de Chypre, il faut bien avoir conscience de cette division et qu’en conséquence dans certains cas, il peut s’agir d’une entreprise tombant sous le coup du droit turc et non pas chypriote.
Chypre a également subi une crise économique récente en 2013 mais à remarquablement rebondi après cela.
Le recouvrement amiable.
Étant donné que le recouvrement judiciaire et en particulier l’exécution des jugements sont assez onéreux, le règlement amiable est un moyen commun d’obtenir le règlement de sa créance.
Des mises en demeure seront envoyées : elles doivent clairement mentionner le montant à régler et donner un délai pour régler la dette qui doit se situer entre 7 à 10 jours.
Les frais de recouvrement sont rarement réclamés à ce stade à moins qu’ils n’aient été convenus contractuellement. L’anglais est une langue de communication généralement acceptée à Chypre et notamment pour les affaires internationales de sorte qu’il est acceptable d’adresser les mises en demeure en langue anglaise.
Par contre, le système judiciaire est entièrement en grec de sorte qu’engager les services d’un avocat capable au moins de comprendre la langue grecque est inévitable au stade du recouvrement judiciaire.
Le recouvrement judiciaire.
Chypre est à l’origine, un pays qui avait un système juridique dit de « Common Law » et en ce sens son droit privé et procédural est très proche des systèmes anglo-saxons alors que le reste, à savoir le droit public, le droit de la famille et le droit de la propriété sont plutôt influencés par le droit dit « Droit Civil » et notamment par le droit grec.
Le système judiciaire est relativement juste et transparent.
Le procès contre des débiteurs commence en général par le dépôt d’une requête auprès du tribunal qui se chargera de notifier la requête au débiteur.
À Chypre, il existe une prescription générale de 10 ans après laquelle aucune action judiciaire n’est plus possible. Il y a néanmoins quelques exceptions soit notamment pour les contrats dont la prescription est de six ans et pour les honoraires d’un professionnel indépendant dont la prescription est de trois ans.
Les frais légaux peuvent être mis à la charge de la partie perdante mais souvent ils ne le sont pas complètement car c’est le tribunal qui décidera du montant des frais imputés à la partie perdante.
Les frais sont souvent accordés sur la base d’une échelle prédéfini qui prend en compte la valeur de la créance et le stade de la procédure. La cour suprême publie régulièrement ces tables d’échelle selon lesquels le coût des montants seront mises à la charge du débiteur.
Ainsi lorsque des créanciers commencent une procédure à Chypre ils peuvent se retrouver eux-mêmes avec une part importante des coûts qui reste à leur charge.
Les procédures d’insolvabilité ne sont pas une option à considérer en ce que ne vont que rarement conduire à un recouvrement de la créance, qu’il s’agisse d’une procédure de liquidation ou d’une procédure de sauvegarde de l’entreprise.
Souvent, il est toutefois possible de saisir le tribunal afin d’obtenir une mesure provisoire telle que la saisie conservatoire à condition toutefois que cette mesure provisoire porte sur des biens qui se trouvent dans le lieu de compétence du tribunal.
Ces mesures provisoires peuvent être attribuées soit avec notification préalable de la partie adverse soit sans notification préalable de la partie adverse et peuvent prendre la forme d’un blocage de l’actif en question (blocage du compte en banque par exemple) ou de d’une interdiction (telle que le fait d’interdire l’usage d’une marque) ou d’une mesure de protection (comme des ordres prononcée afin d’éviter l’aliénation d’un bien immobilier).
Ces solutions intermédiaires peuvent être un moyen de pression à utiliser à l’encontre du débiteur mais ne sont pas toujours suffisantes et souvent une action ordinaire devra également être engagée.
Trouver l’équilibre entre les sociétés holding et les boîte postales.
Étant donné que Chypre est un endroit propice aux entreprises « boîte à lettres » sans réelle activité commerciale, il faut en tenir compte pour éviter de mauvaises surprises dans le cadre d’un recouvrement de créances.
Il est très facile de créer une société à Chypre il suffit de quelques jours et d’un montant minimum de capital pour commencer à s’y établir.
Cela veut dire que très souvent il n’y a pas véritablement d’activité derrière cette société au sein de la juridiction de Chypre et donc pas davantage d’actifs sur lesquels une pression puisse s’exercer ou qu’une liquidation de la société pourrait faire craindre au débiteur.
En conséquence il est conseillé aux parties qui travaille avec des sociétés Chypriotes de prendre particulièrement soin à faire des recherches préalables quitte à même interroger directement son client potentiel sur la réalité de son activité sur place. Il faudra notamment se méfier de la société qui fournit comme adresse, une domiciliation chez un avocat ou expert-comptable de Chypre.
Maria Fotsala,
Avocat en droit grec.
Article initialelement publié dans le Journal du Management Juridique n°61.