« Lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception » (C. trav. art. L. 1232-6). Cette règle pose fréquemment des difficultés dans les groupes de sociétés.
1/ Le DRH « groupe » peut procéder au licenciement des salariés des filiales.
Pour la Cour de cassation, le DRH d’une société mère n’est pas une personne étrangère à la filiale et peut recevoir mandat pour procéder au licenciement d’un salarié passé au service de cette dernière [1].
Dans un arrêt précédent, la chambre sociale avait même considéré que le DRH d’une société mère peut recevoir mandat pour procéder à l’entretien préalable et au licenciement d’un salarié employé par l’une des filiales, sans qu’il soit nécessaire que la délégation de pouvoir soit donnée par écrit [2].
Au soutien de leur décision, les juges avaient retenu les motifs suivants :
« La Cour d’appel, qui a constaté que la lettre de licenciement avait été notifiée par le directeur des ressources humaines de la société mère, laquelle était étroitement associée à la gestion de la carrière des salariés cadres de ses filiales, a légalement justifié sa décision. »
En effet, aucune disposition n’exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit, celle-ci pouvant parfaitement être tacite et découler des fonctions du salarié procédant au licenciement [3].
Ainsi, la lettre de licenciement signée par un adjoint du responsable des ressources humaines en charge de la gestion du personnel est valable, celui-ci agissant au nom de l’employeur [4].
Cette jurisprudence s’applique également au licenciement du salarié d’une filiale, par le directeur général de la société mère [5] :
« Mais attendu qu’ayant relevé que le salarié avait été licencié par le directeur général de la société mère qui supervisait ses activités, en sorte qu’il n’était pas une personne étrangère à la société Oxbow France, la cour d’appel en a exactement déduit que le licenciement était régulier, quand bien même aucune délégation de pouvoir n’aurait été passée par écrit. »
Enfin, la Cour de cassation a été conduite à préciser qu’est valable la lettre de licenciement signée par l’adjoint du DAF de la holding d’un groupe destinée au salarié d’une société de ce groupe [6].
2/ Le DRH d’une filiale ne peut pas notifier son licenciement au salarié d’une autre filiale.
Dans un arrêt du 20 octobre 2021 [7], la Cour de cassation vient de juger que la DRH d’une filiale ne peut pas licencier le directeur général (DG) d’une autre filiale où elle n’exerce pas ses fonctions de DRH.
Dans cette affaire, le DG d’une filiale avait été licencié par la DRH d’une autre filiale, mandatée par le président de la filiale qui avait engagé le salarié.
Ce dernier avait contesté le bien-fondé de son licenciement, affirmant que la DRH, signataire de la lettre, ne disposait pas du pouvoir pour la signer puisqu’elle accomplissait ses missions dans une filiale autre que celle qui était son employeur.
La Cour d’appel avait donné raison au DG, estimant que la lettre de licenciement avait été signée par une personne étrangère à l’entreprise qui ne pouvait recevoir délégation de pouvoir pour procéder au licenciement.
La Cour de cassation approuve cette solution, considérant que :
« La finalité même de l’entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l’employeur de donner mandat à une personne étrangère à l’entreprise pour procéder à cet entretien et notifier le licenciement. »
Pour autant, les juges semblent curieusement ne pas exclure totalement que le DRH d’une filiale puisse procéder au licenciement du salarié d’une autre filiale du groupe.
En effet, l’arrêt relève qu’il n’était pas démontré que la gestion des ressources humaines de la société employant le DG relevait des fonctions de la DRH de la société de l’autre filiale, ni que cette dernière exerçait un pouvoir sur la direction de la filiale.
Dans un arrêt du 23 juin 2017, la Cour d’appel d’Aix en Provence [8] avait été appelée à statuer sur le sujet.
En l’espèce, la DRH d’une filiale avait reçu délégation du représentant d’une autre filiale du groupe l’autorisant à exercer sa mission de gestion du personnel sur les salariés de cette filiale.
Pour les magistrats, la DRH, qui n’était pas employée de la société mère mais d’une autre filiale, devait être considérée comme une personne étrangère à la filiale employeur du salarié.
3/ La sanction liée au défaut de qualité du signataire.
Dans un arrêt du 2 octobre 2002 [9], la Cour de cassation a jugé que l’irrégularité pouvant affecter la procédure de licenciement, y compris au titre du mandat donné à un tiers pour la conduire, ne peut suffire à priver de cause la décision de licencier.
Cette irrégularité de procédure ouvrait droit, pour le salarié, à une indemnité ne pouvant être supérieure à un mois de salaire [10].
Cette jurisprudence n’est plus d’actualité, la Cour de cassation considérant désormais que l’absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement prive cette mesure de cause réelle et sérieuse [11].
Cette solution est constamment réaffirmée depuis cette date [12].
Dans une telle hypothèse, le salarié est éligible à une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau de l’article L1235-3 du Code du travail (« barème Macron »).
Xavier Berjot, Avocat au Barreau de Paris.