Cet article présente de manière succincte et générale la procédure de recouvrement judiciaire en Slovaquie d’une créance d’origine contractuelle.
I. Obtenir un titre exécutoire.
Pour obtenir un titre exécutoire en Slovaquie, le créancier devra saisir un des tribunaux de district (« okresný súd ») slovaques qui ont la compétence générale en première instance.
Au préalable, il peut tenter de se faire payer par voie amiable, ou rédiger et adresser une mise en demeure au débiteur d’acquitter sa dette volontairement, mais ceci n’est pas une condition préalable pour engager le recouvrement judiciaire de la créance.
A. Injonction de payer de droit slovaque :
S’il est possible pour le tribunal slovaque de fonder sa décision sur les seuls faits allégués par le demandeur, et que ces faits ne soulèvent pas de doute pour le tribunal, en particulier s’ils sont appuyés par des preuves écrites (contrat, factures, etc.), le tribunal peut statuer sans entendre la position du défendeur, et sans audience. Le tribunal délivre alors l’injonction de payer, la notifie au débiteur en mains propres, lui ordonnant de payer la créance pécuniaire dans les 15 jours suivant la réception.
Dans la période susmentionnée, le défendeur peut déposer une opposition contre l’injonction ; l’opposition doit être motivée au fond et accompagnée des documents auxquels elle se réfère, et peut aussi indiquer d’autres preuves. Si l’opposition motivée est déposée à temps, le tribunal annulera l’injonction et ordonnera une audience : la procédure judiciaire se déroulera ensuite de manière ordinaire.
À défaut d’opposition motivée du défendeur dans le délai, l’injonction devient titre exécutoire.
La procédure décrite ci-dessus est généralement beaucoup plus simple et rapide qu’une procédure judiciaire ordinaire. Si le demandeur présente sa demande au moyen d’un formulaire publié par le Ministère de la Justice et que les frais de justice sont dûment payés, le tribunal doit délivrer l’injonction de payer dans les dix jours ouvrables.
B. Jugement au fond :
Lorsque l’objet du litige ne remplit pas les critères pour une procédure d’injonction de payer (documentation incomplète, doute sur le droit du créancier, matière exclue de l’injonction de payer…), une procédure ordinaire au fond est ouverte, qui inclut en général la présentation des prétentions des parties et la collecte des preuves, ainsi qu’une ou plusieurs audiences publiques.
Pour un jugement ordinaire au fond en première instance, la procédure peut durer 1-2 an(s). Le nouveau code de procédure civile contentieuse entré en vigueur au 1er juillet 2016, vise à accélérer la procédure par application du principe de la « concentration ». Ce principe oblige les parties à présenter leurs « moyens de procédure d’attaque » et « moyens de procédure de défense » dans les délais respectifs ; à défaut le tribunal n’est pas obligé d’en tenir compte.
Le jugement rendu par un tribunal en première instance devient un titre exécutoire uniquement si dans le délai aucun appel n’est déposé.
La présentation d’une demande au tribunal (injonction de payer ou demande ordinaire) est en général associée à l’obligation de payer des frais de justice de 6% de la somme demandée (plafonnés à 33.193 € dans les litiges commerciaux) ; une partie pourra être récupérée dans le cas d’un éventuel règlement par conciliation.
C. Injonction de payer européenne :
La procédure européenne d’injonction de payer s’applique conformément au Règlement (CE) no 1896/2006 à toutes les questions civiles et commerciales dans les litiges transfrontaliers (c’est-à-dire si au moins l’une des parties réside dans un autre pays de l’UE que celui où la demande d’injonction est déposée). La demande d’injonction peut être présentée aux juridictions slovaques si leur compétence est reconnue par le Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale – « Bruxelles I refonte ».
Le demandeur présente sa demande sur le formulaire standardisé. Si les conditions sont réunies et que la prétention du demandeur semble fondée, le tribunal compétent délivre l’injonction de payer européenne uniquement sur la base des informations fournies par le demandeur. Le défendeur peut former opposition contre l’injonction dans un délai de 30 jours à compter de sa notification. L’opposition contre l’injonction est également déposée sur un simple formulaire, et elle ne doit pas être motivée.
La procédure d’injonction de payer européenne présente l’avantage d’être une procédure simplifiée permettant d’obtenir rapidement dans les litiges transfrontaliers un titre exécutoire automatiquement reconnu dans tous les autres pays de l’UE, sans qu’il soit possible de s’opposer à son exécution après qu’elle est devenue définitive.
II. Mettre en œuvre le titre exécutoire.
De manière générale, il ne peut être procédé effectivement à l’exécution forcée que sur la base d’une décision définitive et exécutoire, c’est-à-dire une décision contre laquelle aucun recours ordinaire (appel) ne peut être déposé et si le délai pour accomplir les obligations ordonnées dans la décision a déjà expiré.
Un titre exécutoire obtenu dans un autre Etat membre de l’Union européenne (décision de justice, conciliation judiciaire, acte authentique) dûment certifié conformément au Règlement Bruxelles I refonte, pourra être immédiatement mis à exécution sans formalités intermédiaires de reconnaissance, si l’autorité qui l’a délivré était compétente sur la base de ce Règlement.
A. Saisir un huissier de justice :
L’exécution des décisions de justice appartient aux huissiers de justice (« súdny exekútor ») qui exercent sous un statut privé dans le cadre du code de l’exécution. Leur compétence s’étend à tous les biens du débiteur situés en Slovaquie, sans égard à la résidence du débiteur, sa nationalité, le lieu d’immatriculation dans le cas d’une société.
Un huissier de justice est saisi de l’exécution du titre exécutoire par une « requête de procéder à l’exécution » du créancier, si le débiteur n’exécute pas volontairement ce que le titre exécutoire lui ordonne. La requête doit être accompagnée d’un original du titre exécutoire, comportant la formule exécutoire apposée par le tribunal qui a jugé en première instance.
Dans un délai de 15 jours à compter de la réception de la requête du créancier, l’huissier demande au tribunal l’autorisation de mener l’exécution forcée.
B. Les actes matériels d’exécution :
L’huissier chargé de mener l’exécution forcée remet un « avis de commencement de l’exécution » au débiteur en mains propres. La remise de cet « avis de commencement de l’exécution » rend les biens du débiteur indisponibles.
Le débiteur peut soulever des objections dans le délai de 14 jours de la réception de l’avis de commencement de l’exécution. Toutefois, la faculté d’objection est limitée à des circonstances qui auraient fait disparaître le titre exécutoire (cassé par la Cour suprême, annulé par une nouvelle décision, titre périmé…) ou empêcheraient sa mise en œuvre, ou à d’autres motifs rendant l’exécution forcée inadmissible.
Après la date limite pour le dépôt des objections, l’huissier délivre « une ordonnance d’exécution » ordonnant l’exécution par l’une des voies légales d’exécution. Dans l’hypothèse d’une obligation pécuniaire, l’exécution forcée peut être assurée par :
les retenues sur salaires et autres revenus,
la saisie de créance(s) du débiteur sur un tiers,
la vente de biens meubles,
la vente de titres,
la vente de biens immobiliers,
la vente d’entreprise,
l’ordre de rétention du permis de conduire.
C. Frais de l’exécution forcée :
Les frais de l’exécution forcée consistent en la rémunération d’huissier, le remboursement des frais et une indemnité pour le temps consommé par les déplacements etc. que l’huissier n’a pas pu employer à d’autres tâches. L’huissier peut exiger du créancier une avance raisonnable sur sa rémunération et ses frais comme condition pour procéder à l’exécution.
À l’issue de la procédure, l’huissier de justice prélèvera les frais de l’exécution sur le produit de l’exécution. Le créancier a le droit au remboursement de ses frais nécessaires pour obtenir le paiement d’une créance. Si toutefois l’exécution reste infructueuse, c’est le créancier qui supportera la charge des frais d’exécution.
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Cet article a une vocation purement informationnelle. Il ne saurait en aucun cas être considéré comme un avis ou un conseil juridique applicable directement à l’évaluation ou au traitement juridique d’un cas particulier. Pour toute information complémentaire sur les sujets développés dans le présent article, n’hésitez pas à nous contacter.
Maître Andrea Butašová, Avocate, Directrice pour la Slovaquie
Maître Jana Cíbiková, Avocate.
Article initialement publié dans le Journal du Management Juridique n°54.