Codifiée à l’article 235 ter ZCA du CGI, la contribution de 3% frappe les distributions réalisées par les sociétés ou organismes français ou étrangers passibles de l’impôt sur les sociétés au profit des associés ou porteurs de parts, quels que soient leur qualité (personnes physiques ou morales) et leur lieu d’implantation ou de résidence.
Cette contribution est aujourd’hui attaquée, tant au regard de sa conformité au droit communautaire (plusieurs contentieux en cours initiés par des contribuables, action en sanction lancée par la commission européenne à l’encontre de la France) que de sa constitutionnalité (QPC transmise par le Tribunal administratif au Conseil d’Etat en date du 4 avril 2016).
1/ La contribution de 3% pose tout d’abord question en raison de la différence de traitement qu’elle crée entre les filiales et les succursales françaises de sociétés établies dans un autre Etat membre.
Conformément à l’article 49 du traité de fonctionnement de l’Union Européenne, une entreprise exerçant son activité au sein d’un ou plusieurs Etats membres de l’Union européenne est libre de s’implanter dans un autre Etat sous la forme juridique la plus appropriée à l’exercice de son activité (création d’agence, de succursale ou de filiale), sans que cette liberté ne soit entravée par des dispositions fiscales discriminatoires.
Cette interprétation du principe de liberté d’établissement est rappelée de manière constante par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)1.
Or, par le jeu des dispositions des articles 235 ter ZCA et 115 quinquies, 3° du CGI, les succursales implantées en France de sociétés résidentes d’un autre Etat membre de l’Union européenne ne sont pas soumises à la contribution additionnelle de 3%, alors que leurs filiales françaises le sont.
Il en résulte nécessairement une limitation du choix de la forme d’établissement, succursale ou filiale. Or, eu égard à la jurisprudence de la CJUE, il y a lieu de retenir que succursales et filiales ne sont pas dans des situations objectivement différentes. Dès lors, toute différence de traitement entre succursale et filiale crée immanquablement une restriction à la liberté d’établissement, que la forme avantagée soit la succursale ou la filiale.
2/ La contribution de 3% s’oppose également à l’article 49 du TFUE en raison du traitement défavorable des filiales françaises détenues à au moins 95% par une société mère non-résidente.
La liberté d’établissement interdit les différences de traitement opérées par la législation nationale entre les sociétés françaises et les sociétés résidentes d’un autre Etat membre de l’UE disposant d’une implantation en France, notamment sous forme de filiale.
Aux termes de l’article 235 ter ZCA du CGI, les filiales situées en France qui appartiennent à un groupe intégré au sens de l’article 223 A du CGI sont exonérées de la contribution additionnelle de 3% sur les montants qu’elles distribuent.
A l’inverse, les filiales dont la société mère est située dans un autre Etat membre de l’UE et qui ne peuvent donc être intégrées fiscalement avec cette dernière, doivent s’acquitter de cette taxe.
L’avantage fiscal dont bénéficie la filiale fiscalement intégrée est donc conditionné par la simple situation géographique de sa société mère. Il ressort de cette situation une atteinte manifeste au principe de liberté d’établissement dès lors qu’une filiale liée à une société mère étrangère est fiscalement désavantagée par rapport à une filiale intégrée avec sa société mère française.
Dans la même logique, par son arrêt Stéria du 2 septembre 2015, la CJUE a déjà sanctionné la restriction à la liberté d’établissement caractérisée par l’impossibilité pour les sociétés mères étrangères de bénéficier de l’exonération de quote-part de frais et charges réservée aux seules sociétés françaises mères d’un groupe d’intégration fiscale.
3/ La contribution de 3% paraît enfin méconnaitre les articles 4 et 5 de la directive 2011/96/UE « mère – filiale ».
Les articles 4 et 5 de cette directive prohibent double imposition et retenue à la source sur les distributions de dividendes. Il est vrai que sur ce point la critique de la contribution de 3% paraît plus délicate. L’administration fiscale française persiste ainsi à considérer que cette contribution ne crée pas une situation de double imposition au sens de la directive (qui n’interdirait que les doubles impositions au niveau de la perception des dividendes chez la société mère) et ne peut être qualifiée de retenue à la source, dès lors que la personne assujettie n’est pas la société détentrice des droits mais la société distributrice.
Notons que ces questions devraient recevoir réponse prochainement, la CJUE devant statuer avant la fin de l’année sur la conformité au droit communautaire d’une imposition belge (« fairness tax ») similaire au dispositif français de la contribution de 3%.
Dans ce contexte de contentieux communautaire, le Tribunal administratif a transmis au Conseil d’Etat, le 4 avril dernier, une question prioritaire de constitutionnalité sur les dispositions de l’article 235 ter ZCA du CGI. Dans le prolongement de la décision Métro Holding du Conseil constitutionnel du 3 février 2016, cette question repose sur la rupture d’égalité devant les charges publiques et la discrimination à rebours que cette contribution crée à l’égard des sociétés françaises.
A ce stade, et dans l’attente de la décision du Conseil d’Etat qui a trois mois pour transmettre ou non cette QPC aux juges de la rue de Montpensier, il est permis de s’interroger sur le caractère prématuré de cette question. En effet, si discrimination à rebours il y a, elle ne peut résulter que de l’incompatibilité de cette imposition au droit communautaire, laquelle n’a pas encore été sanctionnée par le juge administratif européen.
Quoi qu’il en soit, nous sommes de ceux qui considèrent que les jours de la contribution de 3% sont comptés. C’est pourquoi et sans attendre, il appartient aux contribuables d’en contester l’application et d’en demander la restitution. Demain, il sera peut-être trop tard !
Frédéric SUBRA
Avocat Associé – DELSOL Avocats
Article initialement publié dans le Journal du Management Juridique n°52.