La réforme du droit des contrats, qui doit entrer en vigueur le 1er Octobre 2016, a entièrement réorganisé cet important volet du Code Civil. Face à ces bouleversements, praticiens et étudiants vont devoir se plonger dans la réforme pour retrouver leurs repaires.
Pour les accompagner, Jean-Jacques Daigre, et Guillaume Goetz-Charlier, avec l’aide du Cabinet Ginestié Magellan Paley-Vincent, ont publié un Code comparé et annoté de la réforme du droit des contrats.
Comparaisons entre anciens et nouveaux textes, annotations complémentaires, … un guide qui se veut pratique, pour mieux apprivoiser les nouveautés.
Jean-Jacques Daigre a répondu à nos questions, pour nous en apprendre plus sur ce projet et la motivation des auteurs.
Clarisse Andry : Qu’est-ce qui vous a poussé à rédiger ce guide sur la réforme des contrats ?
J-J Daigre : C’est la nouveauté du texte et son ampleur, et une certaine difficulté de prise de connaissance. La difficulté ne vient pas du texte, qu’il suffit de lire ligne après ligne, mais de la nécessité de repérer ce qui n’est qu’une consécration jurisprudentielle et ce qui est nouveau. L’objectif était surtout de faire apparaître les modifications dans le texte nouveau par rapport au texte ancien.
C.A : Vous avez donc voulu faire un guide résolument pratique ?
J-J Daigre : Oui, absolument, il est modeste et pratique. A partir de la comparaison des textes, nous avons fait des petites annotations pour préciser s’il s’agissait de consécrations de la jurisprudence ou d’innovations complètes. C’est un travail très pragmatique et très simple, afin d’y voir clair en lecture directe.
C.A : A qui est-il destiné ?
J-J Daigre : Dans un premier temps, ce guide avait une destination interne au cabinet Ginestié. Dans un deuxième temps, nous avons organisé une matinée de colloque ouverte à des clients et relations du cabinet. 210 personnes étaient présentes et nous le leur avons distribué. Nous nous sommes alors aperçus que tous le trouvaient éminemment utile et pratique. Et si 200 personnes trouvaient qu’il était bienvenu, pourquoi pas le publier ?
C.A : Les étudiants peuvent également en avoir l’utilité ?
J-J Daigre : Oui, il est aussi destiné aux étudiants. A partir de la rentrée prochaine, ils vont devoir apprendre en parallèle deux droits des contrats :
- L’ancien, parce qu’il va survivre pour les contrats en cours, ce qui peut durer des années,
- Et le nouveau, parce qu’il va entrer en vigueur le 1er Octobre 2016 pour les nouveaux contrats.
Une présentation comparée et annotée, même succinctement comme c’est le cas, leur sera utile. C’est aussi pour cette raison que nous avons tenu à ce que ce guide soit le moins cher possible (15 euros, ndlr).
C.A : Quelles difficultés particulières présentent cette réforme pour les juristes ?
J-J Daigre : Cette réforme n’est ni une réformette, ni une révolution. Pas une réformette, car l’ensemble de cette partie fondamentale du Code civil, qui n’avait quasiment pas été touchée depuis 1804, a été réécrite, reconstruite d’une manière claire et moderne, avec le vocabulaire d’aujourd’hui. Pas une révolution non plus, parce que la plupart des nouveautés ne sont que la consécration dans la loi de ce qui était déjà dans la jurisprudence, qui n’était connue que des juristes.
La première difficulté est pratique, pour les grandes entreprises, en particulier celles du secteur bancaire et financier : elles vont devoir balayer tous leurs contrats afin de les mettre à jour. C’est un travail colossal.
Quelques nouveautés les inquiètent également. D’abord, la chasse aux clauses abusives, qui est pourtant marginale puisque les entreprises étaient déjà soumises aux régimes du Code de la consommation et du Code de commerce. Ensuite, l’entrée en force de l’imprévision, avec la possibilité pour le juge, à la demande d’une seule partie, d’adapter le contrat en fonction de changements exceptionnels des circonstances qui avaient entouré la conclusion du contrat. Elles craignent que cela déstabilise les contrats et ont l’impression d’être lancées dans l’inconnu. Autre point, sans être exhaustif, l’élargissement du dol à l’abus de dépendance, avec l’abus de dépendance économique, mais également psychologique, donc l’abus de faiblesse.
Les auteurs du guide :
- Jean-Jacques Daigre, professeur émérite de l’école de droit de la Sorbonne (Université Paris I) ; Directeur éditorial de la revue Banque et droit, et Avocat consultant au cabinet Ginestié.
- Guillaume Goetz-Charlier, diplômé HEC d’un Master 2 de l’école de droit de la Sorbonne (Université Paris I), et travaille au cabinet Ginestié.
Interview initialement publiée dans le Journal du Management Juridique n°50 (p.24).
Propos recueillis par Clarisse Andry.