Les redressements les plus courants sont aussi ceux qui se détectent facilement de votre liasse fiscale, donc susceptibles de vous amener vers un contrôle. L’administration, avant de pousser la porte d’une entreprise, cherche une « clé d’entrée », susceptible de déboucher sur des redressements.
Bref rappel : comment l’administration engage t-elle un contrôle fiscal externe ?
L’administration missionne certains agents pour proposer des contrôles à partir de l’étude de dossiers. La plus grande partie relève d’une programmation informatique dont le but est de détecter des anomalies. En découle une liste de noms et l’agent, après étude détaillée, propose le contrôle des entités pour lesquelles un problème est effectivement apparent. Ce contrôle est alors engagé à plus ou moins brève échéance (plutôt brève lorsque les motifs concernent une année visée par une prescription imminente).
Les situations exposées dans cette série d’articles constituent des motifs de contrôle constatés pour une large majorité d’entre eux.
Partie I/ La TVA déduite par anticipation
Je vous ferai grâce des dispositions du code général des impôts, mais comme vous le savez sans doute, vous ne pouvez pas récupérer la TVA déductible grevant les factures de vos fournisseurs comme vous le souhaitez. Concernant les fournisseurs qui vous rendent des prestations de service, il y a différentes conditions pour pouvoir récupérer la TVA, dont la plus inobservée est le paiement (sauf si votre fournisseur a opté pour collecter sa taxe selon la méthode dite « sur les débits »).
Fondement :
La plupart du temps, une entreprise anticipe ses droits à déductions pour réduire sa « facture » de TVA à régler au titre d’un mois M. Entre découvert bancaire, paiement des salaires et ventes faiblardes, il peut être tentant d’imputer aujourd’hui, ce qui n’est légalement imputable que demain. Quelles sont les conséquences ?
La probabilité corrélative d’un contrôle :
Les conséquences, en terme de risque de détection par l’administration, sont importantes si l’anticipation est apparente à la clôture de l’exercice comptable, donc sur votre liasse fiscale déposée, car la méthode de détection observée par l’administration repose notamment sur l’analyse cette liasse.
Elle consiste à regarder l’actif de TVA de l’entreprise (qui constitue une créance sur l’État non encore imputable légalement) et le comparer à une évaluation de celui qui devrait normalement y figurer, par l’intermédiaire d’autres postes indiqués sur la liasse. Cette évaluation débouche sur une simple présomption de décalage de TVA, qui n’est pas forcément corroborée lors du contrôle dans l’entreprise. Néanmoins, si cette évaluation fait ressortir un écart significatif, c’est le contrôle assuré.
En effet, bien qu’il s’agisse d’un simple décalage temporel, ce type de rappel est pris en considération dans les chiffres de la brigade de vérification au même titre que tous les autres. Il intègre le montant des redressements considérés par le ministère, donc par la hiérarchie. Inutile de préciser qu’il est très précieux pour une brigade de faire la chasse à cette pratique très rentable pour elle car, facilement détectable, peu gourmande en temps d’investigation, et parfois génératrice de rappels importants.
L’impact « indolore » du décalage :
Le vérificateur va déterminer le montant de TVA dont vous avez anticipé la déduction année par année, ou parfois mois par mois, afin d’en proposer le rappel. Ce rappel est la plupart du temps récupérable, raison pour laquelle l’entreprise n’y accorde que peu d’importance.
En effet, le vérificateur se cale sur la fin de sa période vérifiée (imaginons le 31/12/2015) pour calculer son rappel net. Il adresse ensuite une proposition de rectification à l’entreprise après avoir effectué son contrôle (imaginons le 30/11/2016). Hors à cette date (soit 11 mois plus tard), l’entreprise a bien souvent réglé ses dettes fournisseurs figurant au bilan au 31/12/2015. Autrement dit, l’entreprise a recouvré légalement, entre les deux termes, la possibilité de déduire la TVA qui fait l’objet du rappel. En pratique, ce rappel de TVA, est donc neutre pour l’entreprise (un plus étant égal à un moins) et l’effet pénalisant de cette pratique n’est qu’en apparence limité à l’application d’un intérêt de retard (4.80 % par an).
L’impact réel du décalage :
Le périmètre de la vérification :
Posez-vous la question suivante : êtes-vous prêt à risquer un contrôle fiscal pour un décalage de trésorerie ?
L’inspecteur, une fois dans vos locaux, vise, la plupart du temps, tous les impôts dont est redevable l’entreprise, mais également la situation fiscale personnelle de son dirigeant, voire de son environnement (filiales, holding, SCI). La porte est donc grande ouverte à une étude approfondie des autres thèmes. Il y a donc un risque pour que le contrôle, pris dans son ensemble, se traduise, in fine, par autre chose que le rappel de TVA déductible qui l’a déclenché.
La majoration de 40 % :
La récupération anticipée chronique génère un autre risque, pour ne pas dire, une certitude : celui de se voir appliquer la majoration de 40 % sur le montant du rappel de TVA pour manquement délibéré. Si dans l’exemple susvisé, le rappel net au 31/12/2015 est de 40.000 euros, la majoration sera de 16.000 euros. Cette majoration est appliquée systématiquement en cas de récidive, ses conséquences financières sont réelles (ni récupération, ni déductibilité) et toute contestation est généralement vaine. L’administration va parfois plus loin : si votre entreprise est, elle-même, prestataire de service et qu’elle déclare sa TVA collectée au moment du règlement de son client, votre vérificateur comprendra mal que celle-ci ait récupéré la TVA grevant les services de ses prestataires avant leur paiement. En pareil cas, la majoration susvisée sera certainement appliquée « d’entrée de jeu », autrement dit : pas présomption de bonne foi normalement retenue pour un premier rappel de ce type.
En cas de rappel calculé mois par mois :
La détermination des rappels de TVA mois par mois n’est jamais bon signe. Généralement, la période visée par une vérification s’étend sur deux ou trois ans. Sachant qu’un rappel de TVA déterminé annuellement est fondé juridiquement, pourquoi donc votre vérificateur multiplierait son travail par 12 ?
Cette méthode poursuit en général un autre but : Au mieux, il s’agit d’asseoir plus précisément la majoration sus visée, au pire, il s’agit de déposer plainte pour fraude fiscale. 1000 dossiers sont concernés par an en France. Un dossier présentant une anticipation chronique couplé à d’autres motifs laisse l’opportunité de telles poursuites si l’ensemble matérialise des rappels d’impôts et taxes importants, et sous réserve d’un avis favorable de la commission des infractions fiscales.
En résumé, pratiquer la déduction anticipée de TVA est une chose, mais vous l’aurez saisi, cela se voit et peut contribuer à amplifier vos problèmes.