Point de droit de la concurrence et de la distribution par Axel Ferly, avocat au Barreau de Paris.
Le consommateur est une personne particulièrement protégée par le législateur, notamment dans le cadre d’un crédit immobilier de consommation. Dans un tel cadre, le législateur a prévu dans le Code de la consommation des dispositions qui permettent de limiter dans le temps le droit d’agir des établissements-prêteurs contre les emprunteurs. Alors que, en application du droit commun de la prescription, l’emprunteur aura jusqu’à cinq années pour exercer une action contre sa banque, cette dernière ne disposera, conformément au droit de la consommation, que de deux années pour agir contre l’emprunteur (par exemple, dans le cas où ce dernier cesserait de rembourser la créance née de l’emprunt).
La qualité de consommateur de l’emprunteur, une condition indispensable :
Le consommateur est défini dans l’article préliminaire du Code de la consommation comme « une personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ».
Et, selon le droit positif, la qualité de consommateur n’est conférée à un emprunteur qu’à la double condition (i) qu’il s’agisse d’une personne physique, et non d’une personne morale (Cass. Civ.1, 17 février 2016, n°14-29.261) et (ii) que les fonds empruntés n’aient pas une destination professionnelle.
S’agissant plus précisément de la condition liée à la destination des fonds, on peut noter à titre illustratif que les fonds empruntés par l’ancien gérant d’une SARL, cinq années après avoir cessé d’y exercer et afin de rembourser le solde débiteur du compte de cette société, ont une destination professionnelle (Cass. Civ. 1, 30 septembre 2015, n°14-20.277). On peut également observer que certaines cours d’appel semblent considérer que l’importance et la multiplication des emprunts immobiliers aux fins d’acquisition de biens locatifs conduisent à conférer une destination professionnelle aux fonds empruntés (par exemple : CA Aix-en-Provence, 5 Février 2016, n° 14/04434).
Les modalités d’application de l’article L. 137-2 du Code de la consommation :
L’article L. 137-2 du Code de la consommation prévoit que « l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ». Et, la jurisprudence précise de manière constante que les crédits immobiliers de consommation constituent des services financiers, au sens de ce texte, fournis par un professionnel à un consommateur.
Jusqu’au début de l’année 2016, les juridictions considéraient que le point de départ de ce délai biennal de prescription était le premier incident de paiement non régularisé du consommateur. Cette position, non conforme au droit commun de la prescription (en ce qu’elle ignore la date d’exigibilité de la créance), visait manifestement à protéger le consommateur.
Mais, par plusieurs arrêts rendus le 11 février 2016, la Cour de cassation a revu sa position en retenant qu’« à l’égard d’une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l’égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l’action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d’échéance successives, l’action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité » (notamment, Cass. Civ. 1, 11 février 2016, n°14‑28.383). Cette nouvelle position jurisprudentielle est nettement plus favorable aux établissements-prêteurs.
Ce délai biennal de prescription peut être suspendu ou interrompu par certaines actions des parties (notamment, par une action en justice, une mesure conservatoire ou un acte d’exécution de la banque ou par une reconnaissance de dette de l’emprunteur).
Enfin, il convient de préciser que, si par principe les problématiques de prescription ne peuvent être soulevées d’office par le juge (article 2247 du Code civil), la prescription prévue à l’article L. 137-2 du Code de la consommation est une disposition d’ordre public que le juge peut soulever d’office, par exception (Cass. Civ. 1, 9 juillet 2015, n°14-19.101).
A propos de l’auteur :
Domaines :
Concurrence - Distribution
Contentieux, arbitrage, médiation, en Droit Commercial et des Affaires
Date de prestation de serment
05-12-2013
Date d’entrée dans la structure
20-10-2015
Carrière
Norton Rose Fulbright LLP (2015)
DLA Piper LLP (2013)
Formation
Master 2 Droit économique de l’Union Européenne, Université Paris I - Panthéon Sorbonne
LL.M Droit des affaires, Johannes Gutenberg Universität Mainz, Allemagne (Mention Magna Cum Laude)
Master 1 Droit des affaires, Université de Nantes