Entreprises du BTP, auto-entrepreneurs à l’instar de l’économie collaborative, pourquoi ne pas penser collectif pour la production de logement ?
La promesse d’une maîtrise des coûts de production de logement et de la prise en compte du « vivre ensemble ».
La crise actuelle du logement, caractérisée tant par une hausse importante des prix de vente et de location que par une perte de la notion de « vivre ensemble » et de l’espace collectif, a incité à s’intéresser à des solutions alternatives aux pratiques classiques de production de logements.
Promesse d’une amélioration des coûts de construction, les futurs habitants, se regroupant au sein de l’une des structures mises en place par la loi, ne supportent pas les coûts du risque lié à la commercialisation. De même, en étant les interlocuteurs des locateurs d’ouvrage, ils construisent un Immeuble sur mesure, bénéficiant très généralement de nombreux espaces de vie collective permettant l’échange et la solidarité.
L’habitat participatif, pratiqué depuis de nombreuses années notamment dans les pays du nord de l’Europe, a vu naître un cadre juridique adapté [1] (voir notamment les articles L. 200-1 du CCH), dispositif complété par deux décrets, l’un du 21 décembre 2015 [2], l’autre du 24 octobre 2016 [3]. Les sociétés d’habitat participatif peuvent se constituer sous la forme de coopératives d’habitants ou de sociétés d’attribution et d’autopromotion.
L’habitat participatif caractérise « une démarche citoyenne qui permet à des personnes physiques de s’associer, le cas échéant avec des personnes morales, afin de participer à la définition et à la conception de leurs logements et des espaces destinés à un usage commun, de construire ou d’acquérir un ou plusieurs immeubles destinés à leur habitation et, le cas échéant, d’assurer la gestion ultérieure des immeubles construits ou acquis » [4].
Evolution ou révolution ?
Si la volonté de réduire les coûts de promotion, de mutualiser le coût de l’acquisition du foncier et de maîtriser le budget de construction est affirmée, l’autopromotion est-elle pour autant une révolution ? Nous ne le pensons pas.
D’une part, parce que l’habitat participatif existait en pratique avant la création de ces deux nouvelles formes sociales : par exemple, le Village vertical de Lyon s’est constitué sous forme de coopérative d’habitants dès 2005 ; le Grand Portail de Nanterre s’est constitué sous la forme d’une société civile immobilière dès 2011 ; le quartier éco-logis de Strasbourg s’est constitué sous la forme de société civile d’attribution dès 2004.
D’autre part, une fois la structure sociétale mise en place, les sociétés ont ensuite recours aux mécanismes « classiques » du droit de la construction (éventuel CPI si la promotion n’est pas faite en interne, garanties légales des constructeurs, recours aux assurances obligatoires, etc.).
Il s’agit donc davantage d’une évolution des outils juridiques proposés pour offrir un statut plus adéquat à l’habitat participatif.
Des difficultés de mise en œuvre avérées.
Les auto-promoteurs ne sont pas des professionnels de la construction. Or, monter un projet de promotion implique une maîtrise tant des aspects techniques, juridiques que financiers, ceci afin d’atteindre l’objectif de rentabilité recherché. Sans intervention des sociétés d’HLM ou des collectivités territoriales à leur côté, notamment pour la maîtrise du foncier, le projet est souvent voué à l’échec.
Il en est de même concernant la garantie financière d’achèvement qu’ils doivent s’auto-délivrer s’ils assurent eux-mêmes la promotion ! En effet, le décret du 24 octobre 2016 impose aux sociétés d’habitat participatif de se faire délivrer une garantie d’achèvement qui prend la forme d’une ouverture de crédit par laquelle le garant s’oblige à avancer à la société, durant les travaux de construction de l’immeuble, les sommes nécessaires à l’achèvement de l’immeuble. La délivrance de cette garantie, même si son objectif est louable, complique davantage la réalisation des opérations d’auto-promotion.
Alors, pour vivre heureux, promouvons ensemble ? La question mérite encore réflexion !
Marine Parmentier et James Alexandre Dupichot
Avocats à la Cour d’appel de Paris.
Article initialement publié dans le Journal du Management Juridique n°56.