L’entretien préalable à l’éventuel licenciement du salarié est un rendez-vous important, tant pour l’employeur que pour le salarié.
Quels sont les enjeux pour les deux parties ? Quelle attitude doivent-ils adopter ? Quelles précautions sont-elles à prendre ?
Par Xavier Berjot, Avocat.
1/ La convocation à l’entretien préalable.
L’employeur qui envisage de licencier un salarié pour un éventuel licenciement, quel qu’en soit le motif (disciplinaire, insuffisance professionnelle, inaptitude, etc.) doit le convoquer, avant toute décision, à un entretien préalable.
Une règle spécifique s’applique - en outre - au licenciement pour faute grave : l’éventuelle mise à pied à titre conservatoire.
Cette mesure peut être définie comme l’acte par lequel l’employeur exige du salarié de ne plus se présenter à son poste de travail dans l’attente de la décision à intervenir.
Elle a pour effet de suspendre immédiatement l’exécution du contrat de travail, dont évidemment la rémunération.
La convocation, comportant éventuellement la mise à pied conservatoire, doit être effectuée par lettre recommandée avec AR ou remise en mains propres contre décharge. Cette lettre doit indiquer l’objet de la convocation.
Quels que soient les motifs du licenciement, l’entretien préalable ne peut pas avoir lieu moins de 5 jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en mains propres de la lettre de convocation.
NB. Les jours ouvrables correspondent au lundi jusqu’au samedi inclus, à l’exclusion des dimanches et des jours fériés.
La lettre de convocation doit :
préciser explicitement qu’un licenciement est envisagé ;
mentionner les dates, heure et lieu de l’entretien ;
rappeler la possibilité, pour le salarié, de se faire assister.
Le salarié peut se faire assister :
soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ;
soit, en l’absence d’institution représentative du personnel dans l’entreprise, par un conseiller du salarié ou un salarié de l’entreprise.
Si l’entreprise ne dispose pas d’institution représentative du personnel (CSE), il est indispensable d’indiquer au salarié le lieu où il peut se procurer la liste des conseillers du salarié.
La liste de ces conseillers figure dans les mairies et dans les sections de l’inspection du travail compétentes.
La section de l’inspection du travail compétente est celle dont relève l’entreprise et la mairie concernée est celle du domicile du salarié, s’il réside dans le département où est situé l’entreprise, où celle de son lieu de travail dans le cas contraire.
NB. Lorsque l’employeur relève d’une unité économique et sociale (UES), le salarié peut se faire assister par une personne de son choix, appartenant au personnel d’une des sociétés de l’UES, et la lettre de convocation à l’entretien préalable doit mentionner cette faculté (Cass. soc. 8 juin 2011, n° 10-14650).
En principe, l’entretien préalable doit être fixé pendant les heures de travail, à défaut de quoi le salarié peut prétendre à la réparation du préjudice subi (Cass. soc. 7 avril 2004, n° 02-40359).
Enfin, il doit théoriquement se tenir au lieu de travail du salarié ou au siège social de l’entreprise, sauf en cas de circonstances particulières.
Lorsque, pour des raisons légitimes, le lieu de l’entretien préalable n’est pas celui où s’exécute le travail, ou celui du siège social de l’entreprise, le salarié a droit au remboursement de ses frais de déplacement (Cass. soc. 28 janvier 2005, n° 02-45971).
2. La tenue de l’entretien préalable.
Le salarié qui a été convoqué à l’entretien préalable est libre de s’y rendre ou non. Son absence à cet entretien ne rend pas la procédure irrégulière.
En revanche, la procédure est irrégulière si la convocation est envoyée à une adresse inexacte, dans la mesure où il n’est pas possible de considérer, dans ce cas, que le salarié a été valablement convoqué.
Lors de l’entretien préalable, l’employeur peut lui-même se faire assister, mais uniquement par un salarié de l’entreprise (Cass. soc. 28 octobre 2009, n° 08-44241).
Ainsi, la présence d’un huissier, d’un avocat, d’un actionnaire ou de toute autre personne étrangère à l’entreprise rend la procédure de licenciement irrégulière.
Il convient de préciser, à cet égard, que le directeur des ressources humaines d’une société mère n’est pas une personne étrangère aux filiales, et peut donc bénéficier d’un mandat pour procéder aux entretiens préalables et aux licenciements de salariés employés par ces filiales (Cass. soc. 23 septembre 2009, n° 07-44200).
Au cours de l’entretien préalable, l’employeur doit indiquer les motifs de la décision envisagée et recueillir les explications du salarié.
En aucun cas, il ne doit faire part de sa décision de licencier le salarié. En effet, au stade de l’entretien préalable, la mesure de licenciement ne peut être considérée que comme un projet, une éventualité.
Ce n’est qu’à l’issue d’un délai de 2 jours ouvrables minimum que l’employeur peut faire part de sa décision au salarié.
Le Code du travail n’instaure pas de durée particulière pour l’entretien préalable qui doit permettre au salarié de présenter toutes ses explications.
Par ailleurs, l’employeur doit indiquer, de manière exhaustive, tous les motifs qui seront, ensuite, mentionnés dans la lettre de licenciement.
Enfin, précisons que l’employeur n’a pas l’obligation de remettre des documents au salarié, que ce soit avant ou pendant l’entretien préalable, ou de prouver les faits qu’il allègue à son égard.
NB. Grâce aux smartphones, les salariés peuvent aisément enregistrer la teneur de l’entretien préalable.
Il est donc conseillé à l’employeur de s’en tenir strictement au déroulement suivant :
Exposer les faits pour lesquels le licenciement du salarié est envisagé ;
Inviter ensuite ce dernier à présenter ses observations ;
En conclusion : rappeler que la décision sur l’éventuel licenciement du salarié sera prise à l’issue du délai légal (2 jours ouvrables minimum après l’entretien préalable).
Pour le salarié, il est conseillé de ne livrer aucune information pouvant in fine se retourner contre lui.
En effet, si le salarié présente des observations pertinentes lors de l’entretien préalable, l’employeur peut réorienter sa lettre de licenciement.
3. La notification du licenciement.
Lorsque l’employeur décide de licencier le salarié, il doit lui notifier sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.
Elle ne peut être expédiée moins de 2 jours ouvrables après la date prévue de l’entretien préalable.
En cas de licenciement pour motif disciplinaire, un délai légal maximal pour l’envoi de la lettre est prévu par l’article L. 1332-2 du Code du travail.
Ce délai est fixé à 1 mois maximum après la date de l’entretien préalable. Toutefois, des dispositions conventionnelles peuvent prévoir des délais différents.
La lettre de licenciement comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur.
Outre le motif de licenciement, la lettre doit mentionner :
La portabilité des garanties complémentaires santé et prévoyance ;
Les droits du salarié au titre du compte personnel de formation (CPF) ;
La possibilité qu’il a de présenter une demande de précision des motifs du licenciement ;
Le cas échéant, le fait que la mise à pied conservatoire est confirmée, la levée de la clause de non-concurrence le matériel qu’il doit restituer, etc.
4. La précision des motifs de licenciement.
Dans les 15 jours suivant la notification du licenciement, le salarié peut, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé, demander à l’employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement (C. trav. art. R. 1232-13).
L’employeur dispose d’un délai de 15 jours après la réception de la demande du salarié pour apporter des précisions s’il le souhaite. Il doit alors communiquer ces précisions au salarié par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé.
Dans un délai de 15 jours suivant la notification du licenciement et selon les mêmes formes, l’employeur peut, à son initiative, préciser les motifs du licenciement (ex. S’il s’aperçoit tardivement que la motivation de sa lettre de licenciement est insuffisante).
L’article R. 1233-2-2 contient des dispositions similaires, applicables au licenciement pour motif économique.
Xavier Berjot
Avocat Associé