Les entreprises appartenant au secteur HCR [1] et les commerces de détail sont particulièrement vulnérables lors d’un contrôle fiscal. L’existence de recettes réalisées en espèces (ou par d’autres moyens de paiement dissimulables) nourrit en effet une certaine controverse : fantasme ou réalité ?
Je ne vous apprends rien en vous disant qu’un billet de 100 euros, représentant la contrepartie d’une vente, peut passer de mains en mains sans être déclaré au fisc à un quelconque moment de la chaîne. Il suffit pour cela de faire disparaître la vente et le paiement.
Le commerçant y a-t-il recours ? « Certainement pas… »
Je ne vous apprends rien non plus en vous disant que l’émission d’un chèque ayant également pour contrepartie une vente ne signifie pas forcément émission d’un chèque « avec ordre ». La plupart du temps, il est délivré au commerçant sans mention d’un ordre quelconque, à charge pour ce dernier d’y apposer le sien et d’enregistrer la vente en comptabilité.
Le fait-il ? « Certainement… »
En ces périodes de tensions budgétaires, le législateur s’est emparé récemment de ces questions en ayant une analyse un peu différente sur la réponse à apporter. Ainsi, une obligation faite aux commerçants de s’équiper d’un système de caisse satisfaisant à des conditions d’inaltérabilité et de sécurisation verra le jour le 01/01/2018 et tout contrevenant s’exposera à une amende de 7.500 € [2].
Les fondements d’une telle mesure tiennent en deux déclarations faites par le ministre et le secrétaire d’état en charge des choses financières de la nation sur le sujet des caisses enregistreuses permissives [3] :
« Nous sommes face à des situations où le consommateur paie la TVA mais le commerçant la conserve. C’est inadmissible vis-à-vis du client et de la société », a déclaré Michel Sapin. Le manque à gagner, chiffré à 3 milliards d’euros pour la TVA, ne se situe pas uniquement au niveau de cette taxe, mais aussi de l’impôt sur les sociétés et des charges sociales. « Le détournement de la TVA peut nourrir le travail au noir », a renchéri, Christian Eckert.
Dans un tel contexte de méfiance, il est assez tentant pour l’administration fiscale en phase contrôle, de penser d’entrée de jeu qu’une partie du chiffre d’affaires réalisé par une entreprise du secteur a été éludée. De cette idée part toute une méthode de travail diligentée par un inspecteur dont le but est de vérifier que cette dernière n’a pas eu recours à des procédés d’évaporation de son chiffre d’affaires. Mais gare aux glissades … il est, en effet, tout à fait possible, par l’usage de reconstitutions un peu trop volontaristes, que l’administration sanctionne à tort. L’entreprise n’ayant eu, en définitive, que la faiblesse d’avoir été un peu trop « légère » dans la tenue de ses comptes.
Voici pour le décor …
Avant d’aborder plus en détail le sujet dans un prochain article, deux choses importantes sont à retenir…
L’objectif du travail mené par le vérificateur est d’écarter la comptabilité de l’entreprise et de déterminer un autre chiffre d’affaires que celui qui a été déclaré. Ce faisant, il procède à une reconstitution des recettes censées avoir été réalisées. Cette tâche, purement mathématique, constitue, avant toute chose, une évaluation imparfaite. Elle peut conduire, cependant, à redresser, en toute légalité, le chiffre d’affaires déclaré de 10 à 30 % (fourchette couramment constatée), le tout sans qu’aucun schéma de fraude avéré n’ait besoin d’être démontré. Le travail de l’inspecteur consiste, en effet, à mener sa démonstration en lien avec l’activité de l’entreprise tout en conservant un certain réalisme ; pas à trouver une réalité effective, et ce, d’autant qu’il l’ignore complètement.
Il est donc impératif de comprendre que les sommes réclamées à l’entreprise et à ses dirigeants, souvent très lourdes, sont décorrélées des pratiques réelles qui ont pu être mises en œuvre (ou pas) dans la structure vérifiée. Autrement dit, la société peut se retrouver à devoir payer 100 en l’absence de fraude et à payer 300 en ne fraudant que 100 (on parle souvent en milliers). Pourquoi ? Parce qu’il existe de multiples paramètres non quantifiables avec certitude qui peuvent décaler les résultats de la reconstitution (dans un sens comme dans l’autre).
Les dirigeants de l’entreprise mais aussi ses partenaires comptables doivent comprendre la dangerosité d’une telle procédure. Les conséquences financières voire pénales sont bien trop graves pour laisser ce type de contrôle se dérouler sans être conseillé. En cas de reconstitution confirmée, la phase de recouvrement des rappels sonne souvent le glas de l’affaire d’une vie.
Le message est donc clair : si votre entreprise est contrôlée et qu’elle relève des secteurs consignés supra, faites intervenir un conseil rompu à ce genre de thématique dès la réception de votre avis de vérification. Même si la mer vous paraît calme, il se peut que le gros temps soit devant vous…