À l’origine de toute activité commerciale, on retrouve le principe de liberté du commerce et de l’industrie consacré par la loi Le Chapelier des 2 et 17 mars 1791. Toutefois, cette liberté ne permet pas aux entreprises d’user de procédés concurrentiels contraires aux usages du commerce pour causer un préjudice à un concurrent et notamment détourner sa clientèle.
Dès lors que la pratique commerciale d’une entreprise dégénère en abus, elle est sanctionnable. La concurrence déloyale est donc une restriction à la libre concurrence. Dans un arrêt du 22 octobre 1985, la Cour de cassation a défini la concurrence déloyale comme « l’abus de la liberté du commerce, causant volontairement ou non, un trouble commercial ».
Le dénigrement mais aussi la confusion, la désorganisation de l’entreprise ainsi que le parasitisme sont des comportements susceptibles d’engendrer une action en concurrence déloyale. Pour établir l’existence de comportements déloyaux, l’entreprise doit établir la preuve d’une faute intentionnelle ou non, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux. Il faut établir une pratique fautive permettant de caractériser un acte de concurrence déloyale.
Les conditions de la concurrence déloyale par dénigrement.
Le dénigrement consiste à dégrader l’image ou la réputation d’un concurrent identifiable en critiquant l’entreprise ou ses produits et services. Le but de ce comportement est souvent de détourner la clientèle d’un concurrent. Le dénigrement peut être direct, lorsque l’entreprise vise directement un concurrent ou indirect lorsqu’elle prétend que ses produits ont des qualités que ceux des concurrents n’ont pas.
Pour être qualifié comme tel le dénigrement doit être public, c’est-à-dire que la diffusion d’informations malveillantes doit avoir été communiqué par n’importe quel moyen (publicité, lettre, e-mail, etc.) à des tiers, tels que ses clients, fournisseurs ou autres partenaires. Ainsi, le dénigrement interne à une entreprise ne pourra pas être poursuivi.
Le dénigrement est à distinguer de la diffamation. Le dénigrement vise une entreprise ou ses services alors que la diffamation est constituée dès lors qu’une personne est visée. Cette distinction présente un intérêt : l’une est sanctionnée civilement et l’autre pénalement, impliquant un délai de prescription différent. De plus, l’exception de vérité, prévue en matière de diffamation, n’efface pas l’acte de dénigrement.
Par exemple, le 27 janvier 2016, la Cour d’appel de Paris a validé une décision de première instance condamnant une société qui informait ses partenaires commerciaux que son concurrent avait été condamné pour concurrence déloyale au motif que les propos tenus étaient constitutifs d’actes de concurrence déloyale par dénigrement. Pour la Cour d’appel, « caractérise un acte de dénigrement constitutif de concurrence déloyale le fait de jeter le discrédit sur une entreprise concurrente en répandant des informations malveillantes sur les produits ou la personne d’un concurrent pour en tirer un profit ». Le seul fait de relayer des informations malveillantes sur un concurrent dans le but de lui nuire permet de caractériser la concurrence déloyale par dénigrement, peu importe que l’information soit inexacte ou réelle, de notoriété publique ou non.
Les rares exceptions permettant d’écarter l’acte de dénigrement.
La liberté d’expression, le débat d’idées et l’exception d’humour sont des exceptions qui peuvent être invoquées par les entreprises pour se défendre.
Il en résulte que si l’information communiquée n’est qu’une simple information objective sur l’entreprise ou si elle a pour seul but de faire sourire le public, il n’y aura pas nécessairement de concurrence déloyale. L’information révélée constituera une atteinte aux usages loyaux du commerce lorsqu’elle poursuit l’objectif de détourner de la clientèle ou de faire perdre un avantage à l’entreprise concurrente. Ainsi, dans un arrêt du 12 juillet 2000, la Cour de cassation a jugé que des propos tenus dans une émission humoristique ne constituaient pas un acte de dénigrement dans la mesure où les propos tenus sur la marque « ne pouvaient être dissociés de la caricature » et qu’il n’y avait aucun risque de confusion dans l’esprit du public « entre la réalité et l’œuvre satirique ».
La sanction de la concurrence déloyale par dénigrement.
Le dénigrement est sanctionné sur le fondement de la responsabilité civile de l’article 1240 du Code civil.
Lorsque la concurrence déloyale par dénigrement est avérée, l’une des sanctions prononcées par le juge vise à faire cesser l’infraction. Ainsi, lorsque le dénigrement a lieu sur internet, le juge pourra ordonner la suppression du contenu illicite.
En outre, la concurrence déloyale peut être sanctionnée par une condamnation à verser des dommages et intérêts à l’entreprise victime. En effet, lorsque le dénigrement a eu pour effet de faire baisser le chiffre d’affaire du concurrent dénigré, il lui est possible d’obtenir réparation du préjudice subi.
La décision de justice condamnant l’entreprise pourra enfin faire l’objet d’une publicité.
Gérard Picovschi, Avocat.
Article initialement publié dans le Journal du Management Juridique n°63.