La lettre d’intention (L.O.I : de l’anglais Letter Of Intent) vise en principe à encadrer les pourparlers mais attention à sa rédaction dont les termes peuvent être lourds de conséquence…
Dans un processus d’acquisition d’une société, de fonds de commerce, de parts ou de titres sociaux, les parties éprouvent souvent le souhait de bien encadrer le déroulement des négociations. Pour ce faire, ces dernières passent souvent par la lettre d’intention. Il s’agit un acte juridique qui n’est pas défini par les dispositions légales en tant que tel. Généralement les parties l’utilisent pour structurer le cadre et définir les limites des négociations en vue de la conclusion d’un contrat. Lorsqu’elle répond à cette démarche, la L.O.I n’oblige pas à l’achat. En effet, rien n’empêche en principe de rompre des pourparlers sous réserve de la bonne foi des parties.
Son principal objectif est de permettre au cédant de s’assurer de l’intérêt de l’acquéreur avant de lui transmettre des informations, parfois confidentielles, sur son entreprise et de permettre à l’acheteur de se voir garantir une exclusivité sur un temps donné et s’informer sur les contours et modalités de la cession envisagée avant de s’engager dans des négociations parfois très longues et coûteuses.
La lettre d’intention va donc servir à régir le cadre des négociations et pourparlers.
Cependant, sa rédaction est essentielle puisqu’elle peut être requalifiée et engager son signataire, voire sa responsabilité contractuelle, allant parfois jusqu’à obtenir une vente forcée. Il convient donc de rédiger la lettre d’intention avec la plus grande prudence.
En effet, la frontière entre simples intentions sur les conditions de négociations et contrat est parfois ténue, notamment dans le cadre d’opérations économiques complexes, comme le rachat d’une entreprise, de la cession de fonds de commerce ou de la cession de titres sociaux. Il convient donc d’être vigilant ce d’autant qu’elles demandent un investissement personnel et financier important pour aboutir.
La valeur juridique de la lettre sera donc déterminée par son contenu. Elle peut être unilatérale ou contresignée par le cédant. Elle peut inclure des engagements de confidentialité, d’exclusivité de droit de préemption…
Si les engagements sont des obligations de faire, rien n’empêcherait d’engager la responsabilité contractuelle du débiteur de l’obligation et l’obtention de dommages et intérêts si l’une des clauses n’est pas respectée.
Dans l’hypothèse la plus extrême, s’il est établi dans la lettre d’intention que les parties se sont mises d’accord sur la chose et sur le prix du contrat projeté, le juge pourra requalifier la LOI en cession pure et simple et donc prononcer l’exécution forcée.
Dans un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation, en date du 6 novembre 2012 (n° 11-26.582), non publié au bulletin, les juges ont pu rejeter le pourvoi formé contre l’arrêt d’appel, qui avait jugé que la lettre d’intention ne constituait qu’un accord de principe, qui n’avait pas transféré la propriété des parts sociales litigieuses. Cet arrêt est l’un des rares à aborder le sujet de la portée de la lettre d’intention, témoignant ainsi du décalage entre une jurisprudence assez peu fournie, par rapport à une utilisation répandue de la pratique.
En l’espèce, deux associés avaient cédé à une société tierce, l’intégralité des parts représentant le capital de leur société, par acte du 14 novembre 2008. Or, une autre société se prétendait déjà propriétaire desdites parts, au motif qu’en date du 3 octobre 2008, elle avait adressé à l’un des associés une lettre d’intention d’acquisition des parts, laquelle était revêtue de la signature de l’associé.
La question soumise aux juges était donc de déterminer quelle était la valeur juridique de la lettre d’intention et si elle pouvait être qualifiée d’acte de cession, auquel cas la seconde vente posait une sérieuse difficulté pour le cédant.
Rappelons d’abord les règles de bases sur la promesse de vente.
Premièrement, l’article 1589 du Code civil dispose que la promesse de vente vaut vente, lorsqu’il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix.
Deuxièmement, il ressort de l’article 1591 du Code civil et de la jurisprudence, que le prix de la vente doit être déterminé ou déterminable.
En l’occurrence, un pourvoi avait été formé contre la décision d’appel ayant retenu que le prix n’était ni déterminé, ni déterminable suivant les seules stipulations de la lettre d’intention. Pour justifier le rejet du pourvoi, la Cour de cassation avait repris les constatations de la cour d’appel qui avait justement constaté que les parties avaient subordonné la fixation du prix à un nouvel accord de volonté. Les magistrats de la Cour de cassation relèvent donc également que le prix n’était ni déterminé, ni déterminable. De ce fait, la lettre d’intention, ici versée, n’a pas été considérée comme une cession.
Cependant, si l’on procède à une lecture a contrario de l’arrêt, il peut en être en déduit que, si figurait un prix déterminé ou déterminable, les juges auraient qualifié la lettre comme une vente et les conséquences auraient été particulièrement dommageables pour le cédant.
Chaque lettre d’intention dispose de ses propres caractéristiques et engagements qui vont en déterminer la portée.
Vous l’aurez compris, la rédaction de la L.O.I n’est pas anodine et doit être rédigée par des professionnels en déterminant préalablement les réels objectifs souhaités par les parties.
Alexandra Six, Avocat.
Article initialement publié sur le site Le Village de la Justice->https://www.village-justice.com].