Ces dernières années, l’entreprise qui met fin à une relation d’affaires se trouve souvent confrontée, en retour, au reproche de rupture brutale et à une demande d’indemnisation.
La cause est simple : notre droit protège les (vraies) victimes de rupture brutale des relations commerciales établies et impose que le contractant « remercié » bénéficie d’un mois de préavis par année d’ancienneté des relations.
Fondée sur l’article L.442-6 I 5° du code de commerce, cette action a été pensée à l’origine pour protéger les fournisseurs de la grande distribution des déférencements « sauvages ».
Mais l’intérêt de l’entreprise conduit parfois à devoir remettre en cause au plus vite sa relation avec un partenaire, même de longue date.
Il faut donc être en mesure de se défendre, lorsqu’on veut quitter un cocontractant, de l’accusation de rupture brutale.
A cette fin, les conditions du régime de protection peuvent être discutées. Ensuite, l’état du marché peut justifier une rupture rapide.
Discutez l’application du régime de protection !
Engager la responsabilité de l’auteur de la rupture nécessite de démontrer l’existence d’une relation durable, constante et en progression.
A défaut de démonstration de l’ancienneté de la relation et de son caractère établi : pas d’indemnisation de la « victime » ! (CA Paris, 27 septembre 2017, N°16/05050)
Le juge apprécie la situation in concreto ; la seule affirmation d’être un « fournisseur historique » ne suffit pas, par exemple, à caractériser une relation établie.
Autre point à contester : le montant de l’indemnisation réclamée. Celle-ci doit être calculée sur la base du préavis applicable, un mois par année d’ancienneté des relations d’affaires, et son assiette est la marge moyenne des 3 années précédant la rupture (CA Paris, 16 février 2012, n°10/24168).
Il faut donc contester tout calcul s’écartant de ces règles. Si la saisonnalité peut parfois jouer, celui qui subit la rupture est souvent tenté de calculer sa marge sur ses meilleures années !
Autre point de vigilance : la fourniture de produits sous marque de distributeur, c’est-à-dire « griffés » au nom du distributeur, permettant un doublement du préavis.
Mais attention, ce doublement doit être écarté lorsqu’une partie seulement des produits est concernée et lorsque les prestations fournies ne font que s’incorporer dans le cycle de production de MDD.
Invoquez vos propres difficultés économiques !
Les difficultés rencontrées dans son secteur d’activité par celui qui rompt peuvent justifier une rupture rapide.
Toutefois, il faut se montrer diligent et loyal et avertir au plus tôt son partenaire de la baisse de son propre chiffre d’affaires (CA Paris, 3 mai 2017, n°15/24950).
En résumé, souvent utilisée comme moyen de pression par le contractant éconduit, l’action en rupture brutale des relations commerciales obéit à des conditions d’application strictes. Les distributeurs doivent les maîtriser pour sécuriser en amont la fin du contrat et être en mesure, si le contentieux survient, d’alléger le plus possible le coût de la rupture.
Morgane Blotin,
Avocat directeur
Claisse & Associés
Article initialement publié dans le Journal du Management Juridique n°63.