Favoriser l’anticipation des risques est un enjeu majeur à bien des égards. Au niveau du pays, l’ensemble des faillites fait disparaître 100 milliards d’euros de créances par an, qui viennent ensuite plomber le passif des anciens partenaires. Au niveau de l’entreprise elle-même, c’est toujours un regrettable gaspillage d’énergies que de voir disparaître une activité, des emplois et des outils de travail, alors que les causes auraient pu être prises en compte plus tôt. Au niveau individuel enfin, outre les licenciements qui accompagnent toutes les liquidations, les dirigeants eux-mêmes courent un risque civil et pénal s’ils tardent à recourir aux moyens adaptés. Comment faire pour anticiper de la meilleure manière pour rebondir ? quelle est la bonne attitude ?
Quels interlocuteurs contacter ? Quels sont les dispositifs et les recours à votre disposition ?
Lorsqu’une entreprise traverse une mauvaise passe, un des principaux obstacles tient à une peur de l’échec qui est particulièrement forte en France. Or, pour un dirigeant d’entreprise, le premier pas consiste à reconnaître les difficultés, car c’est déjà l’ébauche d’une solution, et tout signal est donc à prendre en compte au plus vite : baisse de marge, perte d’un gros contrat ou du crédit fournisseur, ou encore lorsque la trésorerie devient trop tendue…Plus les remèdes viennent tôt, mieux les maux pourront être traités, mais « les entreprises, explique Patrick Caudwell, consultant indépendant, arrivent le plus souvent au tribunal de commerce à un moment où leurs problèmes sont trop nombreux et entremêlés pour permettre de sortir la tête de l’eau. Les causes de défaillance accidentelles – litiges, sinistres, malversations, … – sont en cause dans seulement un tiers des cas. Donc 2/3 sont prévisibles et de la responsabilité totale du chef d’entreprise : phases sensibles, erreurs de gestion, difficultés financières. Le jour où le chef d’entreprise ne considérera plus la prévention comme une honte et un échec, un grand pas sera franchi, car une difficulté traitée à temps n’est qu’un simple incident de parcours ».
Les réflexes à avoir dès qu’une difficulté se fait jour.
1) Profiter des nombreux dispositifs créés pour vous aider :
• le CIP (Centre d’information sur la prévention des difficultés des entreprises) et la cellule prévention du tribunal de commerce (TC) vous offrent de vous orienter selon votre situation,
• le CODEFI permet le financement d’un diagnostic et d’un audit de l’entreprise, et propose également une médiation avec les établissements bancaires,
• le CCSF permet d’obtenir un délai sur le paiement de la TVA et de la part patronale des cotisations.
2) Trouver un professionnel du chiffre spécialisé dans les entreprises en difficulté :
pour Benoit Jacob, dirigeant du cabinet d’expertise comptable et d’audit BJ-Associés, « notre travail consiste à faire un diagnostic et à assister le dirigeant afin de réduire la pression qui pèse sur lui lorsque son entreprise est en difficulté. Pour cela, nous analysons toujours les questions du temps dont dispose l’entreprise avant une crise majeure de trésorerie, et des moyens de générer la trésorerie nécessaire pour disposer du temps requis à l’exécution d’un plan d’action : si les stocks sont gagés, les créances affacturées, et l’immobilier déjà placé en crédit-bail, la situation n’est évidemment pas la même que lorsque l’entreprise anticipe après avoir constaté qu’elle va faire face à une difficulté, sur sa capacité à faire face à ses engagements financiers en raison par exemple de l’évolution de ses équilibres économiques. Dans chaque cas, nous allons mettre en place un plan d’action adapté à la situation que nous constatons. De nombreuses difficultés se présentent généralement, et pour chacune d’elles, il convient d’identifier les leviers d’action à mettre en œuvre. Même si la difficulté réside dans l’évolution des équilibres économiques, les plans d’action ne se limitent pas à la mise en œuvre d’un possible plan social : il est nécessaire d’analyser l’origine de la dégradation des performances économiques et les moyens d’inverser la tendance. »
3) Trouver un professionnel du droit lui aussi spécialisé dans les entreprises en difficulté :
comme le souligne Benoît Jacob, « nous devons nos meilleures réussites à une collaboration réussie avec le dirigeant, bien sûr, mais aussi avec l’avocat qui accompagne la restructuration par la formalisation et la mise en œuvre du cadre juridique adapté à la situation rencontrée et au plan projeté ».
François Klein, du cabinet KGA Avocats, ajoute à cela : « quand une entreprise fait appel à nous, elle est souvent orientée par son expert-comptable. Nous l’accompagnons alors sur les mesures à prendre : les procédures éventuelles, la médiation avec les partenaires ( créanciers, actionnaires, clients…), la mise en relation avec un administrateur judiciaire. »
Les acteurs des procédures collectives.
L’administrateur judiciaire est un professionnel de la négociation avec une grande expérience des difficultés de l’entreprise et de l’ensemble des dispositifs de prévention prévus par le législateur.
Il peut être consulté comme expert par le chef d’entreprise pour l’assister dans le cadre d’un besoin spécifique et/ou désigné par le tribunal à l’ouverture d’une procédure qui lui confie une des trois missions suivantes :
• surveiller les opérations de gestion,
• assister le chef d’entreprise pour tous les actes concernant la gestion ou seulement pour certains d’entre eux,
• assurer seul (entièrement ou en partie) l’administration de l’entreprise.
Les administrateurs sont, souligne Gérard Cohen, avocat associé au cabinet Cohen Amir-Aslani, « des professionnels capables d’ accompagner une entreprise en difficulté et de l’aider à se redresser pour autant que le problème soit traité le plus en amont possible ».
Le mandataire judiciaire est désigné par le tribunal comme le représentant des intérêts des créanciers.
Ses missions consistent à recevoir les déclarations de créance, à les vérifier contradictoirement avec le chef d’entreprise, puis à établir un état précis du passif qui est déposé au tribunal. Au cours de la période d’observation, il consulte les créanciers sur les propositions de règlement des créances et transmet le résultat de ces consultations au tribunal.
Jordan Belgrave.
Article initialement publié dans le Journal du Management Juridique n°54.