Support au contentieux économique, évaluation du préjudice.

Lorsque les professionnels de la finance interviennent sur un litige, c’est la plupart du temps à la demande d’une juridiction, comme experts pour les juridictions civiles, commerciales et répressives (parquet, instruction). Mais il leur arrive aussi d’intervenir pour le compte d’entreprises qui leur en font la demande. Pourquoi ? Parce que ces entreprises ont compris qu’une telle approche n’est pas une simple technique comptable mais une véritable expertise économique. Quels sont les nombreux services que peuvent vous rendre des experts-comptables, commissaires aux comptes ou experts financiers, qu’un litige soit acté ou seulement en germe ? Comment choisir le cabinet qui vous convienne ? Et comment se servir de leur savoir-faire pour développer une vision plus claire des chemins à prendre ?

Lorsque les professionnels de la finance interviennent pour défendre les intérêts d’une partie, seule la finalité change, mais pas l’esprit d’exactitude qui est le leur.

Comme l’explique Mikaël Ouaniche, commissaire aux comptes et directeur général du cabinet OCA : « Dans le cadre d’une expertise de partie, nous nous devons de respecter un devoir d’honnêteté intellectuelle : nos règles déontologiques nous enjoignent de ne rien valider d’incomplet, de partiel, de non-documenté ou de contraire aux principes de l’évaluation. D’ailleurs, le rapport de partie doit être objectif et crédible dans l’intérêt même du client, puisque l’analyse produite doit soutenir l’épreuve du contradictoire dans le cadre de la procédure judiciaire ou arbitrale, et doit donc s’avérer plus convaincant que celui de la partie adverse ».

Parmi les litiges où les financiers interviennent fréquemment, on trouve les différends post-acquisitions, le non-respect de la propriété intellectuelle, les différends contractuels entre partenaires économiques, ou encore les sinistres, les négligences ou les actes de malveillance (fraudes comptables, détournements, dégradations…).
Dans toutes ces situations, ces experts vont, en étroite collaboration avec les conseils juridiques de l’entreprise, commencer par reconstituer les éléments probants :
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les bases de données,
- les arguments techniques,
- les causes du dommage,
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Grâce à cela, ils vont être en mesure d’évaluer précisément les dommages subis préjudices directs et indirects, perte d’exploitation, manque à gagner,…

Ils vont ensuite préparer les argumentaires comptables, économiques et financiers pertinents pour supporter les conclusions des conseils juridiques – et ces argumentaires doivent être « simples et explicites, à l’écrit comme à l’oral ».

Mais leurs talents ne s’arrêtent pas là et les experts-comptables vont également passer au crible les conclusions adverses et les rapports d’expertise, en relevant, souligne Mikaël Ouaniche, « les erreurs matérielles, les défauts de documentation – absence d’éléments probants, utilisation d’informations non vérifiables – les incohérences internes (existence de doublons, logiques d’appréciation contradictoires, absence de prise en compte de certains paramètres,…) et enfin les hypothèses réalistes ou infondées ».

Qu’est-ce qui fait la qualité d’un cabinet ?

Bien évidemment, il convient de choisir un cabinet doté d’une réputation d’expertise indépendante, et de l’habitude de travailler avec tout type d’instances : juridictions nationales, internationales et autorités de concurrence ; mais il est particulièrement important que votre financier connaisse votre secteur d’activité. Car, pour évaluer précisément l’impact d’un dommage au passé comme au futur, il est indispensable de connaître les caractéristiques techniques, mais aussi économiques de votre activité : combien auriez-vous gagné ces précédentes années sans cette gestion à court terme ? Combien auriez-vous pu gagner dans les années à venir n’eut été cette rupture brutale de contrat ? Il faut pour cela déterminer, selon les termes de Mikaël Ouaniche, « les tendances de l’activité à la date considérée et apprécier le degré de variabilité des charges d’exploitation ainsi que l’élasticité des postes de revenus et des charges, aussi bien que d’être capable d’apprécier le préjudice moral, qui peut prendre la forme de la perte de jouissance comme de la perte d’image et de réputation ».

Dans le cas, par exemple, d’une réticence dolosive, un expert doit être en mesure d’intégrer dans son argumentation « les motivations de l’acquéreur et les facteurs de valorisation de la cible à la date de cession, de manière à déterminer si les informations dissimulées auraient été de nature à modifier significativement le prix de cession acceptable pour l’acquéreur, voire à l’amener à ne pas contracter ».
Il doit pour cela se pencher aussi bien sur les documents comptables que sur des « mémorandums de présentation, ou des correspondances », donc avoir une vision qui dépasse le point de vue strictement comptable.

Développer le sens de l’opportunité.

Quand les entreprises pensent procédure et conflit, elles ont encore beaucoup tendance à penser immédiatement action judiciaire… alors qu’il est utile de raisonner en termes d’opportunité : quelle est la meilleure option pour défendre l’intérêt du dirigeant, de la société et/ou du groupe ? « Quand nous abordons un dossier dans un tel contexte, explique Benoît Jacob, dirigeant du cabine BJ Associés, nous nous posons la question de savoir où sont les points forts et faibles de chaque partie en présence : est-il opportun d’aller immédiatement au judiciaire, ou de tenter de résoudre le litige en équité, ou encore d’exposer l’esprit de la collaboration initiale entre les parties ? »

Lorsqu’une entreprise en difficulté fait appel à un prestataire, c’est qu’elle a identifié un dysfonctionnement au travers de ses conséquences patentes : perte de marge, perte de contrat, chute des résultats…
Plus elle agit tôt et en amont, plus elle permet de tenter de négocier sur les points-clés pour obtenir une correction des erreurs éventuelles ou une modification du rapport de force qui est à l’origine de ses problèmes : « notre rôle à nous, continue Benoît Jacob, c’est de nous inscrire dans la dynamique de cette entreprise pour traiter le mal plutôt que panser la plaie. Nous allons donc œuvrer à rétablir l’équilibre économique en travaillant selon le cas avec des clients, des fournisseurs, les dirigeants… A titre d’exemple : dans un dossier où une maison mère était en conflit avec le dirigeant d’une de ses filiales française, nous nous sommes vite rendu compte qu’une vision purement juridique, telle que la maison mère nous l’avait d’abord présentée, ne suffisait pas à la compréhension du problème.

Les vrais enjeux n’étaient pas liés à tel ou tel irrespect des règles internes, mais à une série de manœuvres qui visaient à apporter à certains dirigeants des avantages personnels directs ou indirects. La maison mère avait considéré les opérations concernées comme des données opérationnelles intangibles, mais une vision business s’appuyant sur des données comptables nous a permis de mettre en lumière les liens entre des questions juridiques, des aspects économiques et des manœuvres qui illustraient l’intention des personnes en présence ».
Pour remédier à un déséquilibre, c’est au moment où le contrat est conclu qu’il importe d’être particulièrement attentif aux implications tant juridiques qu’économiques de l’accord envisagé, mais « on peut constater qu’il y a en France une culture moins juridique que dans d’autres pays tels que l’Allemagne, et les entreprises françaises peuvent être amenées à en souffrir.

Il arrive en effet qu’elles ne perçoivent pas suffisamment en amont le rapport de force économique qui s’instaure à la signature d’un contrat, et en supportent les conséquences si ce rapport de force leur est trop défavorable ».

Jordan Belgrave.

Cette article a été initialement publié dans la revue Journal du management juridique..

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