Quand des personnes occupent un logement sans avoir conclu de bail avec le propriétaire, ni recueilli son accord, elles sont potentiellement qualifiées de squatteurs. Dans ce cas, plusieurs mesures d’expulsion s’offrent au propriétaire des lieux.
Qu’est-ce que le squat ?
Dans le cas où un logement est occupé par des personnes n’ayant pas conclu de contrat de location avec le ou les propriétaire(s), le logement est présumé squatté. Bien que les squatteurs ne disposent pas de titre leur permettant d’accéder au logement, il est impossible, pour le propriétaire des lieux, de procéder à une expulsion par ses propres moyens.
Il convient de préciser que la notion de squat se distingue d’autres situations d’hébergement précaire autorisées. Par exemple, si une personne héberge un ami dans son appartement pour un temps donné et que ce dernier ne veut plus y sortir, nous ne sommes pas en présence d’un squatteur.
La réforme de 2015 et l’expulsion immédiate de squatteurs à partir de la notion de flagrance.
L’article unique de la loi n° 2015-714 du 24 juin 2015 tendant à préciser l’infraction de violation de domicile dite loi « anti-squat » est venue préciser et renforcer la protection de domicile en permettant aux victimes de domiciles squattés de demander l’expulsion des squatteurs dans le délai dit de flagrance, en dehors de toute décision d’expulsion ordonnée par un tribunal.
Cette modification fait suite à l’affaire médiatisée dite Maryvonne : il s’agissait d’une octogénaire, Maryvonne Thamin, copropriétaire d’un immeuble à Rennes dans lequel elle n’habitait plus depuis plusieurs années pour des raisons familiales. Elle n’a pu rentrer dans sa maison qui avait été, entretemps, occupée par une quinzaine de squatteurs, ce depuis 18 mois environ.
Afin d’éviter le renouvellement d’une telle situation inadmissible, une proposition de loi a été déposée le 5 juin 2014 par la sénatrice Natacha Bouchart, laquelle aboutira, après modifications, à la nouvelle rédaction de l’article 226-4 du code pénal.
Ce texte renvoie également à la notion de flagrance défini par l’article 53 du code de procédure pénale, lequel définit le crime ou le délit flagrant comme « le crime ou le délit qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre ». On avance souvent le délai de flagrance de 48 heures au-delà duquel, il n’existerait plus de flagrance de l’infraction. C’est une erreur car ce délai de 48 ne résulte pas d’un texte ou encore moins d’une Jurisprudence de la Cour de cassation, la notion de flagrance étant toujours appréciée au regard d’une situation précise. Bien au contraire, l’article 53 du code de procédure pénale mentionne le délai de 8 jours, pouvant être prolongé encore de 8 jours en certains cas, pour que les opérations et investigations menées sous le contrôle du procureur de la République en matière de flagrance.
La modification de l’article 226-4 du code pénal est intervenue afin de permettre aux victimes de domiciles squattés et qui ne peuvent plus y entrer, de désormais demander l’expulsion de ces squatteurs, le maintien dans les lieux tout comme l’entrée par effraction constituant le délit continu de violation de domicile dans les conditions de la flagrance définies par l’article 53 du code de procédure pénale.
Pour ce faire, la victime devra se rendre auprès des services de police ou de gendarmerie pour déposer plainte pour violation de domicile en prouvant qu’il s’agit bien de son domicile (lieu où il vit ordinairement) et autant que possible de la preuve de cette occupation irrégulière (constat d’huissier, témoignages, etc.).
Texte de l’article 226-4 du code pénal après la loi du 24 juin 2015 :
« L’introduction dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Le maintien dans le domicile d’autrui à la suite de l’introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines. »
Texte de l’article 53 du code de procédure pénale sur les crimes et délits flagrants :
« Est qualifié crime ou délit flagrant le crime ou le délit qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l’action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d’objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu’elle a participé au crime ou au délit.
A la suite de la constatation d’un crime ou d’un délit flagrant, l’enquête menée sous le contrôle du procureur de la République dans les conditions prévues par le présent chapitre peut se poursuivre sans discontinuer pendant une durée de huit jours.
Lorsque des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité pour un crime ou un délit puni d’une peine supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement ne peuvent être différées, le procureur de la République peut décider la prolongation, dans les mêmes conditions, de l’enquête pour une durée maximale de huit jours. »
L’action peu connue de l’article 38 de la loi dite DALO.
Ce dispositif est très peu connu et très peu utilisé.
L’article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable dite loi DALO, lequel résulte à l’origine d’un amendement de la sénatrice Catherine Procaccia, prévoit une procédure d’expulsion accélérée par décision administrative.
En effet, en cas d’introduction et de maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, le propriétaire ou le locataire du logement occupé a la possibilité de demander directement au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux, après préalablement avoir fait la preuve des formalités suivantes :
déposé plainte,
fait la preuve que le logement constitue son domicile,
fait constater l’occupation illicite par un officier de police judiciaire.
La mise en demeure préfectorale est assortie d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à 24 heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d’affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou au locataire.
Le dispositif prévoit que lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n’a pas été suivie d’effet dans le délai fixé, l’autorité préfectorale doit procéder à l’évacuation forcée du logement, sauf opposition du propriétaire ou du locataire dans le délai fixé pour l’exécution de la mise en demeure.
Ce dispositif de l’article 38 est d’une portée limitée, outre son caractère peu connu et complexe, l’autorité préfectorale n’est pas tenue de faire droit à la demande formulée par le propriétaire ou le locataire concerné, surtout si se greffent dans le contentieux d’expulsion abordé des points de droit litigieux.
Par ailleurs, nous notons le caractère inédit d’une telle procédure qui mérite selon nous d’être précisée. Ce dispositif aboutit au final à mettre en mouvement l’utilisation de la force publique pour protéger exclusivement des intérêts privés, sans décision judiciaire préalable, alors que l’usage de la force publique est destiné avant tout à prévenir les troubles à l’ordre public dans le cadre d’une mission d’intérêt général.
Texte de l’article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable :
« En cas d’introduction et de maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, le propriétaire ou le locataire du logement occupé peut demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile et fait constater l’occupation illicite par un officier de police judiciaire.
La mise en demeure est assortie d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d’affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou au locataire.
Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n’a pas été suivie d’effet dans le délai fixé, le préfet doit procéder à l’évacuation forcée du logement, sauf opposition du propriétaire ou du locataire dans le délai fixé pour l’exécution de la mise en demeure. »
La procédure d’expulsion de référé traditionnelle.
Hors l’application des dispositions précitées, l’article L. 411-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que « l’expulsion d’un immeuble ou d’un lieu habité ne peut être poursuivie qu’en vertu d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d’un commandement d’avoir à libérer les locaux ».
Une décision judiciaire est donc nécessaire. Cette décision permet de contraindre les squatteurs à quitter le logement mais également à les condamner au paiement d’une indemnité d’occupation des lieux.
Elle permet surtout de recourir à la force publique pour expulser de force les squatteurs, toute autre forme d’expulsion étant illégale et de nature à engager la responsabilité pénale et civile des propriétaires et autres qui y ont recours.
Texte de l’article L. 411-1 du code de procédures civiles d’exécution :
« Sauf disposition spéciale, l’expulsion d’un immeuble ou d’un lieu habité ne peut être poursuivie qu’en vertu d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d’un commandement d’avoir à libérer les locaux. »
Comment engager une procédure d’expulsion traditionnelle ?
Le propriétaire doit d’abord prouver l’occupation irrégulière de son logement par les squatteurs. Il doit aussi attester d’un titre de propriété avant d’engager une procédure d’expulsion. A défaut, le juge déclare la demande d’expulsion irrecevable pour défaut d’intérêt à agir (Cour d’Appel de Paris, 18 février 2014, n°13.09541). Ensuite, il faut recueillir l’identité des occupants du bien par tous moyens. L’identification d’un seul d’entre eux peut suffire.
En effet, l’expulsion ne peut pas être adressée sans connaître l’identité des squatteurs. En premier lieu, le propriétaire peut mettre en œuvre des moyens simples et rapides : témoignages du voisinage, du gardien de l’immeuble etc. En second lieu, il doit faire appel à un huissier de justice qui se rendra sur les lieux squatters pour interroger les squatteurs et relever leur identité. En effet, les constatations relevées par un huissier de justice permettent de sécuriser la procédure, le procès-verbal qu’il établit bénéficie d’une force probante renforcée, notamment les constatations qu’il a relevées font foi jusqu’à preuve contraire.
La procédure exceptionnelle sur requête.
Parfois, aucune preuve suffisante sur notamment l’identité des squatteurs ne peut être récoltée. Le bailleur peut donc recourir à la procédure dite sur requête. Il doit alors mandater un avocat afin de faire une requête devant le tribunal d’instance du lieu où est situé le bien squatté.
Le juge peut accorder ou non une ordonnance autorisant l’huissier de justice à dresser un constat.
L’huissier peut alors prendre l’identité des occupants et entrer dans les lieux (l’assistance d’un serrurier et de témoins est souvent nécessaire).
Une fois ces éléments de preuve réunis, l’avocat saisit le tribunal d’instance d’une demande d’expulsion, l’huissier doit la transmettre aux occupants.
Cette procédure « sur requête » est prévue par les articles 493 et 812 du code de procédure civile. Elle est exceptionnelle et utilisée quand l’identité des squatteurs n’est pas connue.
En effet, le principe dit des droits de la défense et du contradictoire impose à toute personne faisant un procès à une autre personne de la mettre personnellement en cause pour qu’elle s’explique sur les faits reprochés. C’est un principe de nature constitutionnelle et conventionnelle (convention européenne des droits de l’Homme) que toute juridiction est tenue de respecter et de faire respecter.
L’expulsion des squatteurs.
Le jugement ordonnant l’expulsion doit être adressé aux squatteurs.
Si les occupants ne quittent pas le logement dans le mois suivant, l’huissier de justice peut délivrer un commandement de quitter les lieux.
L’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose que l’expulsion « ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de 2 mois qui suit le commandement ». Cela laisse alors un délai raisonnable aux squatteurs pour libérer le logement.
Cependant, cet article prévoit que le juge peut, notamment lorsque les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait réduire ou supprimer ce délai.
En général, il est relevé que s’agissant de squatteurs, les tribunaux suppriment ce délai de deux mois prévus par l’article L. 412-1 précité.
Si les occupants restent dans les lieux après l’expiration de ce délai, l’huissier peut solliciter le concours de la force publique auprès du préfet pour l’assister dans l’expulsion des squatteurs.
Cependant, l’autorité préfectorale n’est pas obligée de l’accorder.
Dans un tel cas, le bénéficiaire d’une décision d’expulsion pourra se retourner contre l’État devant le tribunal administratif en sollicitant la réparation des préjudices subis du fait du refus du concours de la force publique.
En effet, il faut savoir que sur le fondement de l’article L. 153-1 du code des procédures civiles d’exécution, consécration de la Jurisprudence initiée par le Conseil d’État avec sa décision rendue le 30 novembre 1923 Couitéas, l’État est tenu de prêter son concours à l’exécution des jugements et des autres titres exécutoires. En tout état de cause, le refus de l’État de prêter son concours au bénéficiaire d’une décision de justice exécutoire ouvre droit à réparation au profit de ce dernier.
Il faudra préalablement formuler une demande préalable indemnitaire auprès du préfet concerné.
Texte de l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution :
« Si l’expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L. 412-3 à L. 412-7. Toutefois, le juge peut, notamment lorsque les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait ou lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l’article L. 442-4-1 du code de la construction et de l’habitation n’a pas été suivie d’effet du fait du locataire, réduire ou supprimer ce délai. »
Faire la différence entre les procédures applicables et les juridictions compétentes.
La personne victime d’un squat doit faire la différence en fonction de la nature de son bien.
S’il s’agit d’un logement squatté, l’action se fera devant le tribunal d’instance qui est compétent pour connaître des actions aux fins d’expulser toutes personnes qui occupent sans droit ni titre des immeubles aux fins d’habitation, conformément aux dispositions de l’article R. 221-5 du code de l’organisation judiciaire.
Cependant, s’il s’agit d’un terrain squatté, l’action devra se faire devant le tribunal de grande instance du lieu concerné.
De plus, il faut savoir que si le bien squatté relève du domaine public, c’est le juge administratif qui est seul compétent pour ordonner l’expulsion, les textes précités n’étant pas applicables dans les circonstances de l’espèce.
Les procédures d’expulsion sont très complexes et le recours à un avocat est nécessaire pour apprécier les difficultés de l’affaire et conseiller sur les mesures les plus pertinentes à prendre à ce niveau, surtout lorsque les propriétés squattées concernent des successions en déshérence ou non réglées avec des propriétaires intouchables. D’autres procédures dans ce cas précis devront être mises en œuvre.