Selon Jean-Vasken Alyanakian, avocat, l’optimisation d’une rupture reste, en premier lieu, question d’anticipation et de rapport de force. Entretien.
Un salarié insatisfait peut-il rompre
unilatéralement son contrat de travail et
obtenir réparation ?
Lorsqu’un salarié veut quitter son employeur
en alléguant que ce dernier viole ses obligations
contractuelles, ce salarié dispose de certaines
options lui permettant d’éviter une démission
« sèche » ou une rupture conventionnelle
défavorable. La procédure de résiliation
judiciaire lui permet de demander en Justice
la rupture de son contrat de travail aux torts
de l’employeur, par exemple en cas de
modification injustifiée d’un élément essentiel
du contrat, non paiement d’une part
significative du salaire, etc.
Plus déstabilisante encore pour l’employeur :
la « prise d’acte ». Lorsque le salarié estime
impossible la poursuite du contrat de travail
et qu’il en impute la faute à l’employeur, ce
salarié peut, dans certaines conditions, lui
notifier, à ce titre, son départ immédiat. C’est
une sor te de démission brutale dont
l’employeur porterait la responsabilité.
En cas de résiliation judiciaire ou de prise
d’acte, que peut espérer le salarié ?
Dans le premier cas, tant que la résiliation n’est
pas prononcée, le salarié conserve son poste et
ses revenus. Le Conseil de prud’hommes
examinera la véracité des manquements
allégués. Si tel est le cas, le Conseil prononcera
la rupture du contrat de travail et y attachera
les effets d’un licenciement sans cause réelle et
sérieuse, avec toutes ses conséquences
pécuniaires (notamment : l’équivalent d’au
moins 6 mois de salaire si, cumulativement, le
salarié dispose d’au moins 2 ans d’ancienneté
et la société compte au moins 11 salariés, etc.).
Le salarié aura droit aux allocations de Pôle
emploi. Mais si le Conseil rejette la demande, le
salarié restera en poste…
En cas de prise d’acte, l’exercice est plus risqué :
le salarié se retrouve immédiatement sans poste,
sans salaire et, dans un premier temps, sans droit
aux allocations de Pôle emploi. Il lui faut alors
poursuivre son employeur devant le Conseil de
prud’hommes. Si les fautes de l’employeur sont
avérées, le Conseil requalifiera la rupture en
licenciement sans cause réelle et sérieuse avec
toutes ses conséquences. A défaut, il y verra une
démission, le cas échéant au préjudice de
l’employeur, sans droit aux allocations. Une prise
d’acte se décide dans des contextes particuliers.
Pour l’employeur qui licencie, comme pour le
salarié qui rompt son contrat, comment
optimiser la négociation ou le contentieux ?
L’issue d’une négociation ou d’un contentieux
résulte d’un rapport de force. Celui-ci se construit
avant mais aussi pendant le processus de
rupture, qui mérite une attention particulière…
Les parties doivent savoir anticiper ce processus
et réagir vite lorsqu’il est enclenché. La clef d’une
négociation ou d’un contentieux optimisé reste,
pour chaque partie, de connaître le plus tôt
possible les forces et faiblesses de son dossier,
les mesures à prendre et le niveau de réparation
qu’elle peut espérer.
Quels leviers reste-t-il à l’employeur ou au
salarié qui n’a pas anticipé la rupture ?
Il est encore possible d’optimiser ses chances.
Cela implique une collaboration encore plus
étroite entre le client et l’avocat, permettant à
ce dernier d’identifier des détails souvent
négligés par le client mais qui sont autant de
leviers permettant de rééquilibrer un rapport
de force défavorable. Une analyse rigoureuse
de la relation de travail, notamment des
fonctions du salarié y compris si elles sont très
techniques, est d’autant plus nécessaire.
Article également paru dans la revue HEC-Hommes & Commerce, octobre-novembre 2010.