Va- t’on vers un abandon de la lettre licenciement papier au profit d’un formulaire administratif pré-rempli ?
Le projet de loi d’habilitation à prendre par le Gouvernement pour la réforme du droit du travail a été diffusé cette semaine :
Une des mesures importantes que prévoit le Gouvernement pour modifier le Code du Travail est de prévoir que la rédaction de la lettre de licenciement se fasse désormais au moyen d’un formulaire CERFA.
Le projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnance les mesures pour le renforcement du dialogue social a été précédé d’une étude d’impact publiée le 27 juin 2017.
Le préambule de cette étude d’impact dispose que le Gouvernement a lancé un vaste programme de travail constitué d’un ensemble cohérent de six réformes conduites dans les dix-huit prochains mois visant à rénover en profondeur notre modèle social.
La première des six réformes consiste à faire converger performance sociale et performance économique, en faisant évoluer dès cet été notre droit du travail pour prendre en compte la diversité des attentes des salariés et des besoins des entreprises.
C’est l’article 3 intitulé « dispositions relatives à la sécurisation des relations de travail » qui précise en paragraphe 1.2.2 sur les exigences des motivations du licenciement que Le Gouvernement a fait l’étude d’une centaine de décisions récentes qui démontre :
l’insuffisance de motivation de la lettre de licenciement est un motif très souvent mis en avant par les salariés dans les griefs justifiant la procédure contentieuse, même si elle est rarement retenue par la juridiction.
Du côté des employeurs, l’exigence de motivation détaillée est souvent vécue comme très contraignante et parfois trop formaliste et pas assez liée au fond.
Toujours aux termes du préambule de l’étude d’impact pour le Gouvernement, « l’incertitude juridique contribue souvent à ralentir les initiatives à les paralyser en privilégiant le formalisme au détriment de la finalité de la règle ».
Donc vraisemblablement, la lettre de « licenciement – papier » vit ses derniers jours et sera remplacée très certainement par un « formulaire de rupture- CERFA ».
Par contre, la relative simplification des conditions de l’énoncé de la rupture du licenciement ne rimera pas pour autant avec légèreté voire même déloyauté de l’employeur.
Car le paragraphe 1.2.2 de l’article 3 de l’étude d’impact rappelle que le motif du licenciement doit être réel et sérieux et qu’ainsi, avant toute décision, l’employeur doit convoquer le salarié à un entretien préalable au licenciement, et que cet entretien doit permettre à l’employeur d’indiquer les motifs du licenciement envisagé et au salarié d’exposer et de défendre ses arguments.
Pour l’étude d’impact, il ne s’agit pas ici d’une simple formalité, l’entretien doit être l’occasion d’éclaircir des faits, de trouver des solutions alternatives au licenciement.
Il s’en déduit donc que l’entretien préalable va connaître très certainement un essor et une vigueur nouvelle car il deviendra une phase très importante de la procédure de licenciement.
Et sans doute pour l’employeur, va-t-on retrouver ici une notion chère au droit administratif qui est celle de la « compétence liée ».
En effet, l’employeur vraisemblablement aura une compétence liée entre les éléments objectifs qu’il a exposés au salarié pour fonder la rupture et ensuite remplir son imprimé CERFA : « la rupture devant être ensuite justifiée par les éléments énoncés lors de l’entretien préalable ».
Celui-ci sera sans doute lié par les motifs qu’il a exposés lors de l’entretien préalable et qui vraisemblablement devront dès le stade de l’entretien, être justifiés objectivement.
Ainsi, l’on comprend mieux d’ailleurs qu’une fois que le formulaire CERFA aura été remis au salarié avec des formulations types réduisant les erreurs de forme, parallèlement s’ouvrira la possibilité pour le salarié de demander à l’employeur en dehors de toute instance judiciaire, des explications complémentaires sur les griefs qui lui sont reprochés.(projet gouvernemental)
Le Gouvernement considère que le débat entre le salarié et l’employeur pour avoir des explications sur le contenu du formulaire CERFA devra être utilisé comme de nature à réduire les contentieux dont l’étude d’impact souligne qu’ils constituent pour le chef d’entreprise trop d’incertitudes sur le résultat final et donc les sommes pouvant être demandées à réduire au minimum en finalité.
Ceci confirme le lien très fort qui liera le contenu du formulaire CERFA et les motifs qui auront été exposés lors de l’entretien préalable aux termes desquels, en fonction des textes à venir, l’employeur sera invité si nécessaire lors de l’entretien préalable nouvelle formule, à trouver et en tout cas à justifier qu’il aura recherché auparavant des solutions alternatives à la rupture.
Il sera donc très important de vérifier les échanges des parlementaires lors des débats de la loi d’habilitation même si l’on sait que ceux-ci seront très courts puisqu’ils ne devraient pas aller au-delà du 17 juillet.
De même, la concertation avec les partenaires sociaux n’est pas terminée puisqu’ elle doit s’échelonner au travers de 28 réunions qui restent à finaliser.
Donc c’est une affaire à suivre et le cabinet de Maître RONDEAU ABOULY ne manquera pas de décrypter pour vous, lorsque les textes seront connus, le sens de la rédaction définitive du texte issu des ordonnances gouvernementales.
Et très certainement, le contenu de l’étude d’impact restera important pour vérifier et interpréter si nécessaire l’application du texte à venir.
Affaire à suivre donc !