En avril 2016, Vivendi et Mediaset dont la famille Berlusconi détient 40 % du capital par le biais de la société d’investissement familiale Fininvest, officialisaient un vaste partenariat industriel, qui devait se matérialiser notamment par un échange de participations croisées. Vivendi était censé acquérir 100 % du capital de Mediaset Premium, la filiale de télévision payante de Mediaset et chacun des deux groupes devait prendre 3,5 % du capital de l’autre.
Pour Vivendi, cette alliance, présentée comme stratégique, devait être la première étape pour créer une nouvelle plateforme de streaming, capable de rivaliser en Europe avec les plateformes de vidéo à la demande américaines Netflix ou Amazon Prime Video.
Le 26 juillet 2016, l’histoire s’interrompt
Vivendi annonce vouloir renégocier les termes de l’accord. Jugeant les chiffres de Mediaset Premium moins prometteurs qu’espéré, la société propose de n’acquérir que 20% de Mediaset Premium et de monter progressivement à 15% au capital de Mediaset.
Depuis cette date, l’italien Mediaset (par le biais du fils de Monsieur Berlusconi premier actionnaire du groupe) et le français Vivendi (par le biais du président du directoire de Vivendi, Arnaud de Puyfontaine) jonglent entre surenchères juridiques et médiatiques, et tractations en coulisses pour trouver une sortie de crise.
En effet, suite à la remise en cause de l’accord initial par Vivendi, le groupe italien a engagé un recours devant la justice italienne qui a ouvert une enquête préliminaire contre X pour manipulation du cours de Mediaset par Vivendi. Il a également porté ce conflit devant l’Autorité française des marchés financiers (AMF).
Après que l’accord sur Mediaset Premium eut échoué, Vivendi a aussitôt ouvert un nouveau front et s’est lancé à la conquête de la société de télévision portant, en seulement deux semaines, sa participation au capital de Mediaset de 3 à 29%.
Carlo Calenda, Ministre italien du Développement économique, a immédiatement exprimé son inquiétude quant à ce qu’il qualifie de « tentative totalement inattendue de rachat hostile d’un des principaux groupes italiens de médias », ce qui, à son sens, n’est pas « la meilleure manière de procéder ».C’est qu’en voulant s’emparer de la télévision italienne, Vivendi touche au domaine de la culture et de la politique, sujet sensible donc.
Cependant, cela ne devrait pas avoir d’impact dans la mesure où le gouvernement Italien ne dispose pas, comme c’est le cas pour les entreprises publiques, d’un droit de véto sur les opérations d’une entreprise privée telle que Mediaset.
Ainsi, comme le précise le nouveau premier ministre Paolo Gentiloni, le gouvernement ne peut pas opérer "d’ingérence directe", il peut seulement exprimer "une position politique".
Désormais actionnaire à 29%, la marge de manœuvre de Vivendi est limitée car sa participation se situe juste en dessous du seuil de déclenchement d’une offre publique d’achat obligatoire. Face à la rapidité de cette attaque
stratégique : deux réactions.
D’une part, Fininvest, la holding de la famille Berlusconi, a immédiatement indiqué son intention de se renforcer au capital pour ne pas laisser Vivendi réduire son influence. Elle est ainsi déjà montée à 39,8%.
D’autre part, l’autorité italienne de régulation des télécoms, (Agcom), a rappelé qu’en vertu de la loi Gasparri de 2004 un groupe ne peut détenir plus de 40 % de parts de marché dans les télécoms et plus de 10 % de parts de marché dans l’audiovisuel. Or, Telecom Italia (dont Vivendi contrôle 24,2 %) et Mediaset détiennent respective ment 44,7 % et 13,3 % de leurs marchés. « Toute opération visant à concentrer le contrôle des deux entreprises pourrait être interdite », a ainsi souligné l’Agcom. En 2015, la loi Gasparri avait fait l’objet d’un vif débat, le gouvernement Renzi ayant même songé à son abrogation, cela pourrait être de nouveau d’actualité avec la nomination de Paolo Gentiloni.
Les investisseurs semblent quant à eux, souhaiter que cette prise de contrôle soit un succès puisque la valeur des actions de Mediaset a augmenté de 80% lorsque les parts de Vivendi sont passées de 3 à 29%.
En ce début d’année 2017, Vincent Bolloré dit vouloir trouver un accord, et ce d’autant plus qu’il est devenu le second actionnaire de Mediaset. Vivendi n’est toutefois pas démuni face à l’opposition à laquelle il fait face. En effet, sa position lui donnant droit à des postes d’administrateurs, il peut d’ores et déjà influer sur la stratégie et les orientations de Mediaset.