L’usage d’une marque, même minime, peut être qualifié de sérieux, s’il est justifié dans le secteur économique concerné, ainsi que le rappelle la chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt du 5 juillet 2017 (n°13-11513, Société Aguentis c- Société Sanofi).
L’usage d’une marque, même minime, peut être qualifié de sérieux, s’il est justifié dans le secteur économique concerné, ainsi que le rappelle la chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt du 5 juillet 2017 (n°13-11513, Société Aguentis c- Société Sanofi).
1/ Contexte.
La société SANOFI a déposé le signe AVENTIS à titre de marque française et de marque de l’Union Européenne pour désigner différents produits relevant des classes 1, 5, 10 et 31, dont notamment des « produits pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ».
Estimant que la société SANOFI ne faisait qu’une utilisation sporadique de cette marque, insuffisante selon elle, pour caractériser un usage sérieux de celle-ci, la société AGUENTIS a demandé judiciairement la déchéance des droits de la société SANOFI sur ses marques « AVENTIS » pour défaut d’usage sérieux sur le fondement de l’article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle.
2/ La déchéance de la marque pour défaut d’usage sérieux : un outil de régulation du marché.
Prévue à l’article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle (CPI), la déchéance sanctionne l’absence d’utilisation sérieuse d’une marque enregistrée pendant une période ininterrompue de cinq ans suivant son enregistrement, en privant celui qui l’a déposé de son droit privatif de propriété sur celle-ci.
Toutefois, cette sanction n’est pas automatique et la déchéance des droits d’un titulaire sur ce fondement doit être demandée et obtenue judiciairement par toute personne intéressée.
Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.
L’idée sous-jacente est de lutter contre les dépôts parasitaires, tendant à enregistrer des marques pour empêcher des tiers de s’en servir dans le cadre d’activités économiques et commerciales.
La déchéance est une sanction qui cherche donc à favoriser le développement économique.
Le titulaire de la marque dont la déchéance est demandée doit apporter la preuve de l’exploitation de sa marque par tous moyens étant précisé que l’article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle énonce qu’est assimilé à un tel usage :
L’usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque ou, pour les marques collectives, dans les conditions du règlement ;
L’usage de la marque sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif ;
L’apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement exclusivement en vue de l’exportation.
3/ L’importance qualitative de l’usage de la marque, rempart contre la déchéance.
En l’espèce, la société AGUENTIS arguait d’un usage sporadique de la marque « AVENTIS » par la société SANOFI pour demander la déchéance des droits de cette dernière sur sa marque pour défaut d’usage sérieux.
Toutefois, il est de jurisprudence constante (tant en droit français qu’en droit européen) que l’usage même minime d’une marque ne constitue pas nécessairement un défaut d’usage sérieux de celle-ci (CJCE, 16 octobre 2003, aff. 259/02 ; C.Cass. Com., 24 mai 2016 n°14-17.533).
Ainsi, dans son arrêt du 5 juillet 2017, la chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle que l’exploitation d’une marque est appréciée selon des critères qualitatifs et non quantitatifs.
En l’espèce, les factures produites par la société SANOFI s’inscrivant dans la période de 5 ans de référence attestaient de l’effectivité de la mise en production et de la vente des médicaments concernés
Dès lors, après avoir rappelé qu’ « il n’est pas nécessaire que l’usage soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux et que, même minime, il peut être suffisant pour recevoir cette qualification à condition qu’il soit considéré comme justifié, dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marchés au profit des produits ou services en cause », la Cour de cassations valide l’arrêt de la Cour d’appel de Paris qui, par une appréciation souveraine des éléments soumis aux débats, n’avait pas à rechercher si les ventes étaient suffisamment significatives au regard de l’importance du groupe SANOFI, pour retenir l’effectivité de la mise en production et de la vente des médicaments concernés et écarter les conclusions objectant leur caractère sporadique.
La société SANOFI a donc échappé à la déchéance de ses droits sur ses marques AVENTIS en produisant des éléments de preuve suffisants pour démontrer l’usage sérieux de sa marque au sens de l’article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle.
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Laetitia Levasseur, Juriste
Laurent Goutorbe, Avocat - Haas Avocats