Fortes de leurs succès, les places de marché sont devenues un des modèles économiques privilégiés des entrepreneurs souhaitant se lancer dans le digital.
Les places de marché sont devenues un des modèles économiques privilégiés des entrepreneurs souhaitant se lancer dans le digital.
Et pour cause : la marketplace permet aujourd’hui à son opérateur (le « tiers de confiance ») de s’affranchir de tous les freins liés au lancement d’une activité de vente en ligne.
L’opérateur référence des vendeurs, en ajoutant leurs produits à son catalogue global, grâce à des interfaces entre sa place de marché et le catalogue du Vendeur référencé. Il ne gère ni les stocks, ni la logistique, ni le transport liés à la vente de produits. Son activité se cantonne à une mise en relation, en ligne, grâce à la réplication d’un marché en ligne et la fourniture d’une « boutique virtuelle » au Vendeur.
Alors que le modèle de place de marché a été éprouvé et a largement démontré ses vertus, on assiste à deux phénomènes parallèles :
D’une part, de plus en plus de places de marché proposent des services additionnels (souvent optionnels) proposant au vendeur référencé de déléguer à la marketplace la logistique entourant la vente : de plus en plus de marketplaces proposent ainsi des assurances, ou des services de transport.
D’autre part, face aux places de marché « globales » telles qu’Amazon ou Cdiscount, de nombreuses places de marché cherchent à se spécialiser dans un segment en particulier, grignotant ainsi des parts de marché à des places de marché s’adressant à un marché plus vaste.
Au confluent de ces deux mouvements, on retrouve les marketplaces « de transport », proposant soit de référencer des prestataires de transport, soit de gérer de bout en bout la livraison des produits vendus par son intermédiaire. Les opérateurs de ces places de marché, souvent dédiées à la vente de produits frais (notamment en BtoB), souhaitent élargir leur gamme de services et mettre à profit leur connaissance du marché des transporteurs.
Mais une telle activité ne comporte-t-elle pas des conséquences juridiques ? Est-elle exempte de risques ?
La question mérite en effet d’être posée puisque le secteur du transport et les différents intermédiaires qui l’animent font l’objet d’une réglementation stricte et drainent un certain nombre de contraintes juridiques.
Ainsi, un opérateur de place de marché liée au transport devra nécessairement définir son business model en connaissant les conséquences propres à chaque statut.
Il existe en effet plusieurs types d’intermédiaires en transport qui, en fonction de la nature de leur intervention, se voient appliquer plus ou moins d’obligations.
Eclairage :
1 – Statut de commissionnaire : la liberté au prix de la contrainte.
Le statut de commissionnaire de transport est encadré par le Code de commerce aux articles L.132-3 et suivants.
Selon une jurisprudence classique, le commissionnaire de transport est celui qui s’engage envers son client – le commettant – à accomplir pour le compte de celui-ci les actes juridiques nécessaires au déplacement d’une marchandise d’un lieu à un autre. Il dispose ainsi de toute latitude pour organiser le transport de bout en bout, par les voies et moyens de son choix, sous son nom et sa responsabilité (Com.16 février 1988).
Ce statut offre ainsi une marge de manœuvre totale au commissionnaire en contrepartie de formalités administratives lourdes et d’une forte responsabilité.
Le commissionnaire de transport est en effet une activité réglementée par le décret n°90-200 du 5 mars 1990 et soumise au respect d’un certain formalisme (inscription à un registre, etc.).
Par ailleurs, conformément aux dispositions des articles L.132-4 et L.132-6 du Code de commerce, le commissionnaire de transport est tenu d’une obligation générale de résultat : faire parvenir les marchandises à destination, en bon état et à la date prévue.
A défaut, le commissionnaire peut voir sa responsabilité engagée tant pour son propre fait (art. L.132-4 et L.132-5 du Code de commerce) que du fait de ses transporteurs (art.L.132-6 du Code de commerce).
Rappelons néanmoins que le contrat type de Commission de transport, issu du décret 2013-293 du 5 avril 2013, tend à assouplir le régime de commissionnaire en prévoyant des limites indemnitaires.
2- Statut de transitaire : le confort du contrat de mandat.
Le transitaire est un prestataire de service qui se charge, pour le compte de ses clients, du transfert de marchandises.
La place de marché qui se tournerait vers ce statut serait ainsi considérée comme mandataire du vendeur (art.1984 du Code civil). En ce sens, il ne pèsera sur elle qu’une obligation de moyens.
Les risques de requalification en commissionnaire de transport ne sont néanmoins pas nuls : le transitaire qui prend des initiatives et organise le transport perd la qualité de simple mandataire et devient commissionnaire (Com.17 juillet 1978).
La « place de marché-transitaire » devra donc veiller à suivre les directives de son vendeur sans intervenir dans la définition du choix et des moyens de la livraison des produits.
3- Statut de courtier de fret : une souplesse bienvenue.
Le courtier de fret est la personne physique ou morale qui, sans faire acte de commissionnaire de transport, met en rapport un expéditeur et un transporteur public en vue de la conclusion entre ces derniers d’un contrat de transport.
Dans cette hypothèse, la plateforme se borne à mettre en relation les transporteurs avec les vendeurs, sans intervenir dans la conclusion du contrat.
De fait, la responsabilité civile ou pénale de la plateforme ne peut être engagée par l’une ou l’autre des parties que si elle démontre une faute. Les obligations de la plateforme se limitent en effet à une obligation générale de conseil et de mise en garde.
Statut résolument attractif sur le plan juridique, le courtier de fret n’a néanmoins aucune prise dans l’organisation de transport et limite son rôle à une simple entremise.
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En conclusion, les places de marché souhaitant opérer comme intermédiaire en transport doivent donc impérativement définir leur modèle en fonction des obligations qu’elles sont prêtes à assumer.
Ceci implique en amont :
de bien connaître les obligations propres à chaque type d’intermédiaire,
de programmer sa plateforme de manière à éviter tout risque de requalification,
de se doter d’une architecture contractuelle définissant clairement, à l’égard des Vendeurs référencés, le(s) statut(s) de l’Opérateur de la place de marché.
Fort de son expertise dans le domaine du digital, Le Cabinet HAAS avocats a créé un département dédié à l’accompagnement des projets de marketplaces. Une équipe d’avocat ayant accompagné de nombreux projets de places de marché peut ainsi vous accompagner dans la définition de votre modèle commercial et dans l’élaboration de vos contrats.
Paul Benelli, Amanda Dubarry,
Cabinet HAAS Avocats.