Les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelles et dans l’intérêt de l’employeur doivent lui être remboursés sans qu’ils puissent être imputés sur sa rémunération.
Ces remboursements sont exclus de l’assiette des cotisations de sécurité sociale s’ils ne dépassent pas certains plafonds. Ceux-ci ont été revalorisés en 2019, et les nouveaux barèmes, diffusés sur le site internet de l’URSSAF, sont applicables aux rémunérations et gains versés à compter du 1er janvier 2019 et afférents aux périodes d’emploi accomplies à compter de cette date.
Le bénéfice des exonérations est donc soumis à certaines conditions que le cabinet Siléas vous propose de passer en revue.
I. L’exclusion des frais professionnels de l’assiette des cotisations.
Aux termes de l’article L. 136-1-1 du Code de la sécurité sociale, modifié par l’ordonnance n°2018-474 du 12 juin 2018qui a révisé la définition de l’assiette des cotisations de sécurité sociale :
« Ne constituent pas un revenu d’activité les remboursements effectués au titre de frais professionnels correspondant dans les conditions et limites fixées par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget à des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi des travailleurs salariés ou assimilés que ceux-ci supportent lors de l’accomplissement de leurs missions. »
Pour être exclu de l’assiette de cotisations de sécurité sociale, le remboursement de ces frais doit être réalisé dans les conditions fixées par l’arrêté du 20 décembre 2002.
Ainsi, l’indemnisation doit être effectuée :
Soit par le remboursement des frais professionnels sur la base des dépenses réellement engagées.
Certaines dépenses ne peuvent être indemnisées que sur la base des dépenses réellement engagées pour avoir la qualification de frais professionnels, à savoir :
les frais engagés par le travailleur en situation de télétravail,
les frais engagés par le travailleur à des fins professionnelles pour l’utilisation des outils issus des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) qu’il possède,
les indemnités destinées à compenser les frais de déménagement exposés par le travailleur,
les indemnités destinées à compenser les frais exposés par le travailleur envoyé en mission temporaire ou muté en France par une entreprise étrangère et qui ne bénéficie pas du régime de détachement, et par le travailleur d’une entreprise française détaché à l’étranger qui continue de relever du régime général,
les indemnités destinées à compenser les frais exposés par le travailleur envoyé en mission temporaire ou muté de la métropole vers les territoires français situés outre-mer et inversement ou de l’un de ces territoires vers un autre.
Soit par le versement d’allocations forfaitaires, sous réserve de l’utilisation effective de ces allocations conformément à leur objet, pour la part n’excédant pas certains montants.
Si les allocations versées sont supérieures aux limites d’exonération, deux situations sont possibles :
Soit l’employeur n’établit pas que l’allocation correspond aux situations de fait, auquel cas l’allocation versée est réintégrée dans l’assiette ;
Soit les circonstances de fait sont établies, auquel cas la fraction excédentaire est exclue de l’assiette des cotisations si l’employeur prouve que l’allocation a été utilisée conformément à son objet.
II. L’évaluation des frais professionnels.
Les frais de nourriture.
L’indemnisation des frais de nourriture sur la base des dépenses réellement engagées ou d’allocations forfaitaires n’est pas soumise à cotisations, dans certaines limites non cumulables.
Le maximum déductible est de :
6,60€ pour les frais de restauration sur le lieu de travail, dont sont assimilées les primes de panier,
9,20€ pour les frais de repas et de restauration hors des locaux de l’entreprise, dès lors qu’il n’est pas démontré que les circonstances ou les usages obligent le salarié à prendre son repas au restaurant,
18,80€ pour les frais de repas au restaurant lorsqu’il est démontré que le salarié en déplacement professionnel a été contraint de prendre son repas au restaurant et qu’il ne pouvait regagner sa résidence ou son lieu habituel de travail.
A. Les indemnités de grand déplacement.
Les indemnités de grand déplacement sont destinées à compenser les dépenses supplémentaires de nourriture, logement et petit déjeuner engagées par le salarié empêché de regagner chaque jour le lieu de sa résidence.
L’empêchement est présumé lorsque deux conditions sont simultanément réunies :
la distance lieu de résidence / lieu de travail est supérieure ou égale à 50 km (trajet aller),
les transports en commun ne permettent pas de parcourir cette distance dans un temps inférieur à 1h30 (trajet aller).
Néanmoins, lorsque ces conditions ne sont pas remplies, le bénéfice de l’exonération pourra être admis si l’employeur prouve que le salarié a été effectivement empêché de regagner chaque soir son domicile en fonction de certaines circonstances telles que les modes de transport ou les horaires de travail.
Pour les déplacements en métropole :
Les indemnités de déplacement sont réputées utilisées conformément à leur objet et non soumises à cotisations si l’employeur justifie que le salarié ne peut regagner chaque jour sa résidence et dans les limites suivantes :
Grand déplacement en métropole Indemnité forfaitairePour les 3 premiers mois Du 4ème au 24ème mois Du 25ème au 72ème moisPar repas 18,80€ 16,00€ 13,20€Logement et petit déjeuner 50,00€ 42,50€ 35,00€Logement et petit déjeuner à Paris et dans les départements 92, 93, 94 67,40€ 57,30€ 47,20€
Pour les déplacements dans les DOM-TOM :
Sont exonérées de cotisations les indemnités destinées à compenser les dépenses supplémentaires de repas et de logement, dans la limite globale des indemnités de mission allouées aux personnels civils et militaires de l’Etat envoyés en mission temporaire dans ces départements ou territoires.
Le taux maximal de mission est fixé à :
90,00€ pour le logement et deux repas lorsque le déplacement a lieu en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à la Réunion, à Mayotte, à Saint-Pierre et Miquelon ;
120,00€ pour le logement et deux repas lorsque le déplacement a lieu en Nouvelle-Calédonie, à Wallis et Futuna, en Polynésie française.
Ces montants sont réduits :
de 15% à compter du premier jour du 4ème mois de déplacement, dans la limite de 24 mois ;
de 30% à compter du premier jour du 25ème mois de déplacement, dans la limite de quatre années.
Pour les déplacements à l’étranger :
Les montants de l’allocation forfaitaire sont ceux du groupe I des indemnités de mission allouées aux personnels civils et militaires de l’Etat effectuant une mission dans un pays étranger et dont le barème est publié tous les ans par la Direction générale de la comptabilité publique du ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie.
Les limites d’exclusion de l’assiette des cotisations de sécurité sociale de ces allocations forfaitaires sont réduites :
de 15% lorsque le déplacement est prolongé au-delà de trois mois ;
de 30% au-delà de 24 mois.
B. Les frais liés à la mobilité professionnelle.
La mobilité professionnelle suppose un changement de lieu de résidence lié à un changement de poste de travail dans un autre lieu de travail.
Le salarié est présumé être dans cette situation lorsque la distance séparant l’ancien logement du nouveau lieu de travail doit être au moins égale à 50 km et entraîne un temps de trajet aller ou retour au moins égal à 1h30.
La prise en charge des frais est exonérée de cotisations sur la base des dépenses réellement engagées ou forfaitairement.
L’employeur est autorisé à déduire de l’assiette des cotisations sociales les indemnités correspondant :
aux dépenses d’hébergement provisoire et aux frais supplémentaires de nourriture engagés dans l’attente d’un logement définitif, dans la limite d’un forfait fixé à 74,90€ par jour en 2019, pour une durée maximale de neuf mois ;
aux dépenses inhérentes à l’installation du salarié dans son nouveau logement, dans la limite d’un forfait qui s’élève à 1.500,20€, majoré de 125€ par enfant à charge dans la limite totale de 1.875,10€.
Lorsque l’employeur ne choisit pas le forfait ou pour les autres frais liés à la mobilité comme les frais de déménagement, la déduction s’effectue sur la base des dépenses réellement engagées par le salarié, sous réserve qu’elles soient justifiées.
C. Les frais liés au télétravail et aux NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication).
Les frais engagés par le salarié en situation de télétravail, ou qui utilise des NTIC qu’il possède sont considérés comme des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi. Leur remboursement est donc déductible de l’assiette des cotisations, sous réserve que l’employeur justifie de la réalité des dépenses professionnelles supportées par le salarié.
Les frais liés au télétravail dont le remboursement est exonéré de cotisations sont :
les frais fixes et variables liés à la mise à disposition d’un local privé pour un usage professionnel ;
les frais liés à l’adaptation d’un local spécifique ;
les frais de matériel informatique, de connexion et fournitures diverses.
Concernant les frais liés aux NTIC, l’exonération peut porter sur le matériel informatique, les consommables et les frais de connexion.
D. Les frais de transport.
Utilisation par le salarié de son véhicule personnel à des fins professionnelles.
Lorsque le salarié est contraint d’utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles, le remboursement effectué par l’employeur est exonéré de cotisations dans la limite du barème fiscal d’indemnités kilométriques publié annuellement par l’administration fiscale. Ce barème couvre les véhicules de 3 à 7 CV.
Au-delà des limites du barème fiscal, il appartient à l’employeur de justifier de l’utilisation effective des indemnités conformément à leur objet, notamment s’il utilise un barème conventionnel.
La loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finance pour 2019a prévu que le type de motorisation du véhicule sera désormais pris en compte dans le barème des indemnités kilométriques voitures.
Trajet domicile – lieu de travail
Prise en charge obligatoire des frais de transport en commun.
L’employeur doit obligatoirement prendre en charge une partie des frais d’abonnement aux transports collectifs ou de services publics de location de vélos engagés par son salarié pour ses déplacements entre sa résidence habituelle et son lieu de travail.
Cette fraction, égale à 50% du coût de l’abonnement sur la base des tarifs de 2ème classe, est réputée correspondre aux dépenses réellement engagées par les salariés et est exonérée de cotisations. La prise en charge est exonérée de charges sociales dans la limite des frais réellement engagés.
Prise en charge facultative des frais de transport personnels.
L’employeur n’a pas l’obligation de participer aux frais de transport individuel de ses salariés.
Il peut néanmoins décider de les indemniser en tout ou partie par un accord d’entreprise ou par une décision unilatérale.
Le versement d’indemnités kilométriques lorsque le salarié utilise son véhicule personnel.
L’employeur peut prendre en charge tout ou partie des frais de carburant liés à l’utilisation par un salarié de son véhicule pour se rendre sur son lieu de travail.
La prise en charge ne sera pas soumise à cotisations si le salarié est contraint d’utiliser sa voiture personnelle soit à cause de difficultés d’horaires, soit à cause de l’inexistence des transports en commun.
Le versement d’indemnités kilométriques lorsque le salarié utilise son vélo personnel.
L’employeur peut prendre en charge les frais engagés par le salarié se déplaçant en vélo entre sa résidence habituelle et son lieu de travail.
La prise en charge des frais engagés correspond au montant de l’indemnité kilométrique vélo, 0,25€ par kilomètre parcouru, multiplié par la distance aller-retour la plus courte pouvant être parcourue à vélo entre le lieu de résidence habituelle du salarié et son lieu de travail ainsi que par le nombre de jours de travail annuel.
Les sommes versées à cette occasion sont exonérées de cotisations sociales dans la limite de 200 € par an et par salarié.
Emmanuelle Destaillats,
Avocat spécialiste en droit du travail, droit de la Sécurité Sociale et droit de la protection sociale.