La loi n° 2014-617 du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance vie en déshérence, dite « Loi Eckert » est entrée en vigueur le 1er janvier 2016.
Cette loi du 13 juin 2014 impose dorénavant aux organismes bancaires et d’assurance (entre autres obligations) d’adopter de nouvelles règles de « bonne conduite » en vue de lutter contre la déshérence des capitaux non réclamés par leurs bénéficiaires.
Le traitement des contrats d’assurance-vie en déshérence, qui seul retiendra l’attention, devrait s’en trouver amélioré. Pour ce faire, il s’agirait encore qu’on s’entende sur la notion de contrat d’assurance vie.
Qu’entend-t-on par contrat d’assurance vie ?
A défaut de définition légale, une divergence s’est faite jour.
Des praticiens soutiennent que la notion de contrat d’assurance vie doit être appréhendée stricto sensu pour désigner le contrat d’assurance couvrant le risque de survie du souscripteur ou de l’assuré s’il s’agit d’une personne distincte, à un âge ou une date déterminée.
L’assurance vie étant considérée comme une opération d’épargne, les contrats de prévoyance couvrant notamment le risque de décès et les obsèques sont par voie de conséquence exclus.
Des auteurs défendent une conception plus large dans laquelle la nature du risque importe peu. Ce faisant, les contrats d’assurance vie sont l’ensemble des contrats d’assurance garantissant le versement d’un capital ou d’une rente à la suite de la réalisation d’un risque déterminé (survie, décès, obsèques, etc.).
Cette doctrine s’appuie en particulier sur la jurisprudence de la Cour de cassation qui a régulièrement qualifié des contrats d’assurance décès de contrats d’assurance vie afin notamment de faire bénéficier le souscripteur ou le bénéficiaire du régime protecteur prévu pour ce type de contrats.
Qu’en dit la loi Eckert ?
Si la rédaction de la loi Eckert n’est pas particulièrement limpide en ce qui concerne la notion de contrats d’assurance-vie, l’analyse intrinsèque de certaines de ses dispositions permet de lever le doute quant à son champ d’application.
Deux nouvelles obligations mises à la charge des organismes assureurs l’attestent.
D’une part, s’agissant du transfert des capitaux non réclamés à la Caisse des Dépôts et Consignations à l’issue d’un délai de 10 ans, le législateur étend cette obligation à l’ensemble des contrats d’assurance sur la vie, à l’exception des contrats d’assurance temporaire décès pour tous les décès survenus antérieurement au 1er janvier 2015.
L’interprétation a contrario de cette disposition oblige expressément les organismes assureurs à procéder au transfert des sommes dues au titre des contrats d’assurance sur la vie, notamment des contrats d’assurance temporaire décès pour tous les décès survenus à compter du 1er janvier 2015, soumettant ainsi cette catégorie de contrats aux mêmes dispositions que la première.
D’autre part, l’obligation de revalorisation post-mortem des contrats d’assurance vise l’ensemble des contrats d’assurance comportant une valeur de rachat, ainsi que ceux ne comportant pas de valeur de rachat dont les bénéficiaires sont des personnes physiques.
Ainsi, indépendamment du risque garanti, à savoir la vie ou le décès de l’assuré, le législateur pose le principe d’une revalorisation pour tous contrats d’assurance dès lors qu’ils comportent une valeur de rachat, ou à défaut, si leurs bénéficiaires sont des personnes physiques.
Il apparaît donc incontestable que le législateur a opté, aux fins de lutte contre la déshérence des capitaux non réclamés par leurs bénéficiaires, pour une conception très large de la notion de contrat d’assurance vie, incluant ainsi dans le champ d’application de la loi Eckert l’ensemble des contrats d’assurance dont l’exécution dépend de la vie humaine.
Qu’en pense l’ACPR ?
Nous avons constaté au travers de ses différentes décisions que l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) étendait les obligations mises à la charge des organismes bancaires et assureurs à l’ensemble des contrats d’assurance garantissant un risque de survie ou de décès de l’assuré.
Son intransigeance est telle que de lourdes sanctions ont été prononcées à l’encontre de plusieurs organismes assureurs en l’espace de moins de deux ans.
Dans son rapport au Parlement publié le 2 mai 2016, l’Autorité apporte un éclairage supplémentaire sur sa position quant au champ d’application de la loi Eckert.
Il y est fait état des nombreuses lacunes relevées dans le cadre de la gestion des contrats d’assurance vie par les organismes assureurs interrogés, notamment une mauvaise application des dispositions de la loi du 17 décembre 2007.
En effet, en excluant du champ d’application de l’obligation de consulter le Répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP) certaines catégories de contrats, tels que les contrats temporaires décès, les contrats obsèques ou encore les contrats collectifs de prévoyance et de retraite, les organismes assureurs sont allés à l’encontre de l’esprit du Législateur.
Il apparaît là encore que la notion de contrat d’assurance vie doit être appréhendée par les praticiens de manière très large afin de se mettre en conformité avec les nouvelles obligations mises à leur charge.
Cette interprétation est également partagée par l’Administration fiscale qui, à l’occasion d’une information communiquée aux fédérations professionnelles en octobre 2015, a expressément et limitativement énuméré les contrats n’entrant pas dans le champ d’application du décret n° 2015-362 du 30 mars 2015 relatif aux obligations déclaratives des entreprises d’assurance et organismes assimilés, dit « Décret Ficovie ».
Par conséquent, le périmètre du fichier Ficovie comprend tous les contrats d’assurance sur la vie comportant ou non une valeur de rachat, notamment les contrats temporaires décès souscrits auprès des mutuelles.
Krenfla AFFANE,
Juriste Bancassurance
Julien BOURDOISEAU,
Conseil scientifique
Cabinet Exceptio Avocats