De nombreux étudiants cherchent ou doivent accomplir des stages en milieu professionnel au cours de leurs cursus de formation. Du côté de l’entreprise, un tel accueil peut se révéler avantageux et intéressant en ce qu’il lui permet de bénéficier d’un regard neuf sur son activité et ses pratiques internes, de conserver un lien avec le milieu universitaire - voire détecter de futurs collaborateurs. S’ils ne disposent pas d’un contrat de travail, les stagiaires en entreprise bénéficient tout de même d’un statut spécifique, encadré par les dispositions du Code de l’éducation récemment réformé par la loi n°2014-288 du 10 juillet 2014.
Ce statut concerne deux types de périodes de formation, que nous appellerons indistinctement « stage » (Article L.124-1 du Code de l’éducation) :
Les « stages » effectués par les élèves de l’enseignement supérieur (universités…)
Les « périodes de formation en milieu professionnel » effectuées par les élèves de l’enseignement du second degré (collège, lycée).
Sont concernés les stages d’initiation, de formation ou de complément de formation, obligatoires ou non, ne faisant pas l’objet d’un contrat de travail et n’entrant pas dans le cadre de la formation professionnelle. (Circulaire ACOSS 2 juillet 2015 n°2015-0000042)
Les questions suivantes seront ici abordées :
Comment accueillir des stagiaires dans l’entreprise ?
Quelle est la durée d’un stage ?
Quelles sont les conditions de travail des stagiaires ?
Quand et comment doit-on verser une gratification au stagiaire ?
Comment se termine un stage ?
Comment accueillir des stagiaires dans l’entreprise ?
Avant de conclure une convention de stage et de procéder aux formalités administratives d’accueil, il est nécessaire de vérifier si le délai de carence entre deux stages est respecté et si le quota maximal de stagiaires n’est pas atteint dans l’entreprise.
Vérifier le délai de carence entre deux stages.
L’accueil successif de stagiaires, au titre de conventions de stage différentes, pour effectuer des stages dans un même poste n’est possible qu’à l’expiration d’un délai de carence égal au tiers de la durée du stage précédent. (Article L.124-11 du Code de l’éducation)
Par exemple, après un stage de 6 mois, il est nécessaire d’attendre 2 mois avant d’accueillir un nouveau stagiaire sur le même poste.
Ce délai de carence n’est pas applicable lorsque le stage précédent a été interrompu avant son terme à l’initiative du stagiaire.
Bien qu’aucune sanction ne soit précisée par les textes, la violation de ce délai de carence est susceptible de démontrer que les conventions de stage ont été conclues pour pourvoir un poste permanent dans l’entreprise et ainsi entrainer leur requalification en contrat de travail.
Vérifier le quota maximal de stagiaires pouvant être accueillis simultanément.
Une même entreprise ne peut accueillir simultanément qu’un nombre limité de stagiaires sur une même semaine civile (Article L.124-8 du Code de l’éducation ; Article R.124-10 du Code de l’éducation). Ce nombre est limité à :
15 % de l’effectif arrondis à l’entier supérieur pour les organismes d’accueil dont l’effectif est supérieur ou égal à 20 ;
3 stagiaires, pour les organismes d’accueil dont l’effectif est inférieur à 20.
Dans l’enseignement du second degré (collèges, lycées), cette limite peut être portée dans certains secteurs d’activité par l’autorité Académique à 20% de l’effectif pour les entreprises dont l’effectif est égal ou supérieur à 30, et à 5 stagiaires lorsque celui-ci est inférieur à 30 salariés. (Article R.124-11 du Code de l’éducation)
L’effectif à prendre en compte pour le respect de ce quota est égal :
Au nombre de personnes physiques employés dans l’organisme d’accueil au dernier jour du mois civil précédant la période sur laquelle est appréciée la condition ;
Si elle est supérieure, à la moyenne des personnes physiques employées sur les douze mois précédents. (Article R.124-12 du Code de l’éducation)
Dans le cas d’une société composée de plusieurs établissements qui n’ont pas de personnalité morale propre, le plafond de stagiaires autorisé ne s’apprécie pas au niveau de chaque établissement mais au regard de l’effectif global de la société, c’est-à-dire tous établissements confondus. Ainsi dans le cas d’une entreprise comptant 18 salariés répartis sur deux établissements, celle-ci pourra faire appel jusqu’à 3 stagiaires. (Rép. Ministérielle à la question N°3043 RABAULT, JO 9 janvier 2018 p.225)
Si rien ne s’oppose à l’accueil du stagiaire, l’organisme d’accueil doit conclure une convention tripartite de stage.
Conclure une convention de stage.
Les périodes de formation en milieu professionnel et les stages font obligatoirement l’objet d’une convention entre le stagiaire, l’organisme d’accueil et l’établissement d’enseignement (Article L.124-1 du Code de l’éducation) qui doit être signée par (Article D.124-4 du Code de l’éducation) :
L’établissement d’enseignement ;
L’organisme d’accueil ;
Le stagiaire ou son représentant légal ;
L’enseignant référent ;
Le tuteur de stage.
Cette convention comporte obligatoirement certaines mentions telles que, notamment, la durée et les dates du stage, le montant de la gratification, les compétences à acquérir ou les activités confiées au stagiaire. (Article D.124-4 du Code de l’éducation)
La plupart du temps, l’établissement d’enseignement dispose de son propre modèle de convention de stage et l’entreprise d’accueil n’a pas à la rédiger. En toute hypothèse, cette convention de stage doit être élaborée sur la base d’un modèle type de convention de stage, fixé par arrêté. (Article D.124-5 du code de l’éducation ; Arrêté 29 décembre 2014 NOR : MENS1429422A : JO, 10 février 2015)
Une fois la convention de stage conclue et valablement signée, l’employeur doit procéder aux formalités administratives d’accueil, qui sont réduites.
Accomplir les formalités d’accueil : inscription dans une partie spécifique du registre du personnel.
Le chef d’entreprise n’a pas à procéder à une déclaration préalable à l’embauche du stagiaire ou à le décompter dans ses effectifs, en l’absence de contrat de travail.
Il doit en revanche inscrire, dans leur ordre d’arrivée, les noms et prénoms des stagiaires accueillis dans une partie spécifique du registre du personnel, (Article L.1221-13 du Code du travail) ou tout autre document permettant de suivre les conventions de stage pour les organismes qui n’en disposent pas. (Article D.1221-23-1 du Code du travail)
Les informations complémentaires suivantes doivent également être mentionnées sur le registre, et conservées pendant 5 ans à compter du départ du stagiaire de l’établissement (Article R.1221-26 du Code du travail) :
Les dates de début et de fin de la période du stage ;
Les noms et prénoms du tuteur ;
Le lieu de présence du stagiaire. (Article D.1221-23-1 du Code du travail)
Les événements postérieurs à l’arrivée du stagiaire (Article D.1221-25 du Code du travail)
Aucune visite médicale n’est nécessaire, mais un stagiaire peut faire l’objet d’un examen médical ordonné par l’inspecteur du travail. Celui-ci est en effet compétent pour requérir l’examen médical d’un jeune travailleur âgé de quinze ans et plus « pour constater si le travail dont il est chargé excède ses forces », auquel cas il peut exiger le renvoi du stagiaire de l’établissement. (Article L.4153-4 du Code du travail)
Quelle est la durée d’un stage ?
La fixation de la durée du stage est libre et résultera souvent du règlement de l’établissement d’enseignement ; seule une durée maximale est prévue par la loi.
La durée maximale du stage est fixée à 6 mois par année d’enseignement, lorsqu’il est effectué dans un même organisme d’accueil. (Article L.124-5 du Code de l’éducation)
Cette durée est décomptée en fonction du temps de présence effective du stagiaire, étant précisé que sont assimilés à du temps de présence effective (Article L.124-18 du Code de l’éducation) :
Les jours de congés et les absences autorisées en cas de grossesse, de paternité ou d’adoption ; (Article L.124-13 du Code de l’éducation)
Les jours de congés et les autorisations d’absences prévues dans la convention. (Circulaire ACOSS 2 juillet 2015 n°2015-0000042)
Pour le décompte de la durée du stage, le calcul de la présence effective du stagiaire s’effectue selon les modalités suivantes (Article D.124-6 du Code de l’éducation ; Circulaire ACOSS 2 juillet 2015 n°2015-0000042) :
7 heures (en continu ou pas) équivalent à 1 jour ;
22 jours (en continu ou pas) équivalent à un mois.
Un mois équivaut donc à 154 heures (22 jours x 7 heures), et six mois équivalent à 132 jours, ou 924 heures.
Quelles sont les conditions de formation du stagiaire ?
Les stagiaires ne sont pas – et ne doivent pas être traités comme – des salariés. Le Code de l’éducation leur fait toutefois bénéficier d’un certain nombre de dispositions du Code du travail.
Quelles tâches peut-on confier à un stagiaire ?
Le chef d’entreprise doit veiller à un certain équilibre : d’un côté, il doit permettre au stagiaire « d’acquérir des compétences professionnelles et mettre en œuvre les acquis de sa formation » (Article L.124-1 du Code de l’éducation), de l’autre, il doit éviter toute situation de nature à entraîner la requalification du stage en contrat de travail.
Le Code de l’éducation (Article L.124-7 du Code de l’éducation) précise en effet qu’aucune convention de stage ne peut être conclue pour :
Exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent ;
Faire face à un accroissement temporaire de l’activité de l’organisme d’accueil ;
Occuper un emploi saisonnier ;
Remplacer un salarié en cas d’absence ou de suspension de son contrat de travail ;
Remplacer un salarié licencié (Circulaire ACOSS 2 juillet 2015 n°2015-0000042).
Le risque encouru par le chef d’entreprise est de voir la convention de stage requalifiée en contrat de travail, étant précisé que lorsque le Conseil de prud’hommes est saisi d’une telle demande, l’affaire doit être directement portée devant le bureau de jugement qui statue dans un délai d’un mois. (Article L.1454-5 du Code du travail)
Il a toutefois rapidement été précisé par la jurisprudence que l’accomplissement de tâches professionnelles par des stagiaires, sous l’autorité fonctionnelle de l’entreprise d’accueil n’est pas de nature à entrainer la requalification d’une convention de stage en contrat de travail. (Cass. Soc. 4 octobre 2007 n°06-44.106 ; Cass. Soc. 17 octobre 2000 n°98-40.986)
Il est donc tout à fait possible de procéder à une « mise en situation professionnelle » du stagiaire.
Quelle est la durée hebdomadaire de présence du stagiaire ?
La durée hebdomadaire de présence effective du stagiaire dans l’organisme d’accueil et sa présence, le cas échéant, la nuit, le dimanche ou des jours fériés est une mention obligatoire de la convention de stage. (Article D.124-4 du Code de l’éducation)
L’administration a précisé qu’une durée de présence supérieure à la durée légale (par exemple 39 heures par semaine) peut être prévue par une convention de stage, si la durée du travail conventionnelle applicable dans l’entreprise est supérieure à la durée légale. (Lettre circulaire ACOSS n°2008-091 du 29 décembre 2008)
De même, la présence du stagiaire dans l’organisme d’accueil suit les règles applicables aux salariés de l’organisme pour ce qui a trait (Article L.124-14 du Code de l’éducation) :
Aux durées maximales quotidienne et hebdomadaire de présence ;
A la présence de nuit ;
Au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés.
Pour démontrer le respect de son obligation en la matière, l’organisme d’accueil doit établir, par tous moyens, un décompte des durées de présence du stagiaire.
Par ailleurs, le stagiaire bénéficie de congés et d’autorisations d’absence équivalentes aux salariés en ce qui concerne les congés maternité, paternité et d’adoption. (Article L.124-13 du Code de l’éducation)
Plus généralement, pour les stages supérieurs à 2 mois, la convention de stage doit prévoir la possibilité de congés et d’autorisations d’absence au cours de la période de stage. (Article L.124-13 du Code de l’éducation)
La rémunération des congés est facultative. (Circulaire ACOSS 2 juillet 2015 n°2015-0000042).
Enfin, le stagiaire bénéficie des règles légales relatives :
A la protection de la santé et à la sécurité au travail (Article L.4111-5 du code du travail) ;
A la protection contre le harcèlement moral et sexuel (Article L.124-12 du Code de l’éducation) ;
A la non-discrimination. (Article L.1132-1 du Code du travail).
Quand et comment doit-on verser une gratification aux stagiaires de l’entreprise ?
Il n’est pas toujours obligatoire de verser une gratification au stagiaire ; le cas échéant, celle-ci peut être versée selon deux modalités différentes.
Le stagiaire a droit à une gratification minimum à compter de deux mois de stage.
Le paiement d’une gratification mensuelle est obligatoire dès lors que le stage dure plus de deux mois consécutifs ou, au cours d’une même année scolaire ou universitaire, à deux mois consécutifs ou non. (Article L.124-6 du Code de l’éducation)
En application des dispositions relatives au décompte du temps de stage vues précédemment, cela équivaut à une durée de 44 jours ou, sur la base de 7 heures de présence par jour, 308 heures : une gratification est donc due à compter du 45ème jour ou de la 309ème heure de présence du stagiaire, même de façon non-continue. (Article D.124-8 du Code de l’éducation ; Circulaire ACOSS 2 juillet 2015 n°2015-0000042).
Pour les stages dont la durée initiale est inférieure, l’employeur n’a pas l’obligation de gratifier mais il lui est toujours loisible de le faire. Il peut être inséré une clause dans la convention indiquant que l’employeur se réserve la possibilité de rémunérer le stagiaire en cas de stage satisfaisant. (Circulaire ACOSS 2 juillet 2015 n°2015-0000042)
Le montant minimum de la gratification est fixé par accord collectif ou à défaut, par décret.
Le montant minimum de cette gratification, qui est due pour chaque heure de présence du stagiaire (Article D.124-8 du Code de l’éducation) est fixé par accord de branche ou à défaut, par décret à un niveau minimum de 15% du Plafond horaire de la sécurité sociale soit 3,75 € de l’heure en 2018. (Arrêté du 5 décembre 2017 JORF n°0287 du 9 décembre 2017)
Si le plafond horaire de la sécurité sociale est revalorisé au cours de la durée du stage, la convention doit prévoir d’augmenter la gratification pour tenir compte de cette revalorisation. (Circulaire ACOSS 2 juillet 2015 n°2015-0000042)
La gratification qui n’excède pas le pourcentage du plafond horaire de la sécurité sociale n’a pas le caractère de salaire et n’est donc pas soumise à cotisations sociales ou CSG-CRDS. (Article L.242-4-1 du Code de la sécurité sociale ; (Circulaire ACOSS 2 juillet 2015 n°2015-0000042)
Au-delà de ce montant, la fraction excédentaire est soumise à cotisations et contributions salariales et patronales dans les conditions de droit commun. (Circulaire ACOSS 2 juillet 2015 n°2015-0000042).
Le paiement de la gratification peut s’effectuer :
Au réel, c’est à dire à chaque fin de mois sur la base du nombre d’heure effectivement réalisé par le stagiaire ;
En lissant l’ensemble des heures que le stagiaire doit effectuer sur sa période de stage et en effectuant un paiement identique sur chaque mois sur l’ensemble du stage. (Circulaire ACOSS 2 juillet 2015 n°2015-0000042).
Le montant du remboursement des frais engagés par le stagiaire et les avantages offerts pour la restauration, l’hébergement et le transport ne sont pas pris en compte pour apprécier le respect du montant minimum de la gratification. (Article D.124-8 du Code de l’éducation)
Dois-je faire profiter au stagiaire des divers avantages et accessoires du salaire en vigueur dans l’entreprise ?
Le Code de l’éducation précise que le stagiaire a accès, dans les mêmes conditions que les salariés de la structure d’accueil (Article L.124-13 du Code de l’éducation) :
Au restaurant d’entreprise ou aux titres-restaurants ;
A la prise en charge des frais de transport accomplis au moyen de transports publics de personnes ou de services publics de location de vélo, pour les déplacements entre sa résidence habituelle et le lieu de stage ;
Aux prestations servies par le comité d’entreprise (désormais Comité Social et économique) au titre de ses activités sociales et culturelles (Circulaire ACOSS 2 juillet 2015 n°2015-0000042 ; Article L.124-16 du code de l’éducation)
Comment se termine un stage ?
Un stage prend en principe fin à la date prévue par la convention de stage. Il peut toutefois être interrompu :
Pour un motif lié à la maladie, à un accident, à la grossesse, à la paternité, à l’adoption ;
En accord avec l’établissement, en cas de non-respect des stipulations pédagogiques de la convention ;
En cas de rupture de la convention à l’initiative de l’organisme d’accueil.
Dans ces situations, le stage peut être interrompu définitivement tout en permettant au stagiaire de valider sa formation, même si le stage n’a pas atteint la durée prévue dans le cursus. Un report de la fin du stage, en tout ou partie, est également possible par accord des parties. (Article L.124-15 du Code de l’éducation).
Enfin, en cas d’embauche dans l’entreprise dans les trois mois suivant l’issue du stage (et si celui-ci a été réalisé lors de la dernière année d’études du stagiaire), la durée de ce stage est (Article L.1221-24 du Code du travail) :
Déduite de la période d’essai, sans que cela ait pour effet de réduire la période d’essai de plus de la moitié (sauf accord collectif prévoyant des stipulations plus favorables) lorsque l’embauche n’est pas effectuée dans un emploi en correspondance avec les activités qui avaient été confiées au stagiaire ;
Intégralement déduite de la période d’essai lorsque l’embauche est effectuée dans un emploi en correspondance avec les activités qui avaient été confiées au stagiaire.
Prise en compte pour l’ouverture et le calcul des droits liés à l’ancienneté lorsque la durée du stage était supérieure à deux mois.
Par Emmanuelle Destaillats, Avocat.