Pour être couronné de succès, le développement international d’une enseigne doit s’inscrire dans une stratégie réfléchie et cohérente.
C’est pourquoi nous recommandons aux enseignes qui envisagent un développement international d’intégrer dans leur réflexion les questionnements préalables suivants : Pourquoi ? Où ? Avec qui ? Comment ?
Certains axes de cette réflexion relèvent de l’évidence et sont parfaitement intégrés par les têtes de réseau ; ainsi il conviendra de s’assurer que les éléments de propriété intellectuelle du concept pourront être protégés efficacement dans le(s) territoire(s) cible(s), d’identifier les obstacles éventuels (notamment juridiques, réglementaires, administratifs, culturels, etc.) au succès du concept dans ces territoires et les éventuelles évolutions à apporter au concept pour le rendre « exportable » (à titre d’exemple, l’on songera notamment aux nécessaires adaptations qu’une enseigne de restauration devra apporter à son concept pour tenir compte des spécificités locales).
Si la levée des premiers obstacles identifiés ci-dessus est un prérequis nécessaire au développement international d’une enseigne, l’expérience démontre qu’elle est insuffisante pour en garantir le succès.
Pourquoi ?
Il existe de nombreuses raisons pour un réseau d’envisager un développement international.
Certains visent un gain à court terme en se lançant à l’étranger avant de vendre leurs réseaux pour se donner une envergure plus importante. D’autres ne sont pas à l’initiative du développement international et répondent aux propositions d’investisseurs étrangers qui se disent prêts à débourser des sommes importantes pour réserver des territoires (en général vastes) mais qui, dans nombre de cas, ne réaliseront pas les investissements financiers et humains nécessaires au succès de l’enseigne sur leur territoire. D’autres encore envisagent l’implantation à l’étranger comme une manière d’asseoir leur notoriété à l’échelon national, sans pour autant adopter de véritable stratégie de développement international.
A l’inverse, il existe – fort heureusement – de nombreux réseaux ayant privilégié un développement sérieux et réfléchi de leur enseigne à l’international, aux quatre coins du monde. Ces réseaux sont bien plus structurés que les précédents, ce qui permet une meilleure réflexion en amont – avec notamment des professionnels du droit et du chiffre –, une anticipation des difficultés éventuelles, et une plus efficace mise en pratique de la stratégie.
Le rôle du conseil juridique est alors d’éprouver les raisons du développement international pour, le cas échéant, le déconseiller, ou d’accompagner les enseignes au plan de la technique juridique et, dans certains cas, de leur faire bénéficier de ses réseaux locaux et de son expérience sur le territoire
considéré.
Où ?
Si traditionnellement les concepts français sont souvent exportables sans trop de modifications chez nos voisins directs européens, certains vont beaucoup plus loin et n’hésitent pas à traverser les océans pour partir à la conquête de nouveaux clients. Ceci est vrai surtout dans les secteurs de la mode et de la gastronomie où le « made in France » est une valeur sûre.
Ceci étant, pour partir à l’assaut de l’étranger, le plus souvent, la meilleure technique est celle dite de la coquille d’escargot consistant dans un
premier temps à prospecter dans les pays limitrophes de son camp de base, et d’avancer en spirale pour aller toujours plus loin. On commence donc par les voisins que sont la Belgique, la Suisse, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, le Royaume-Uni, puis on élargit la spirale pour atteindre par exemple la Pologne, la Roumanie, la Grèce, avant de partir à la conquête du Maghreb, du Moyen-Orient, des Etats-Unis, du Japon…
Cette technique du développement en spirale est globalement recommandée par tous les experts de l’international mais elle peut bien évidemment être bousculée en fonction des opportunités qui se présentent notamment en joint-venture ou en master-franchise.
Avec qui ?
La très grande majorité des enseignes recourt à un partenaire local pour leur développement international. Cela est préférable pour faciliter la levée des obstacles culturels et juridiques à l’implantation du concept.
En réalité, nombre d’enseignes qui se sont lancées à l’international le confirmeront, la question de la sélection et du contrôle du partenaire local est la principale clé du succès de l’implantation d’une enseigne à l’international.
Au stade de la sélection, la tête de réseau devra être particulièrement exigeante sur le profil de son partenaire local, lequel devra réunir à la fois (1) les qualités indispensables pour appliquer le savoir-faire, remonter les suggestions d’amélioration du concept, etc. ; (2) des garanties financières suffisantes afin de financer la structure placée à la tête du réseau local ; (3) les qualités d’un bon franchiseur pour développer son territoire (qui sera généralement vaste) par le biais de succursales et/ou de sous-franchisés (si la tête de réseau autorise la sous-franchise). Dans ce dernier cas, le partenaire local endossera donc le rôle de franchiseur vis-à-vis de ses sous-franchisés sur son territoire d’attribution.
Comment ?
Pour leur développement international, les enseignes recourent classiquement à trois modes d’exploitation : le succursalisme, la master-franchise, la joint-venture.
1) Le succursalisme désigne la situation dans laquelle le franchiseur développe le réseau international par l’ouverture de succursales ; il réalise seul les investissements, souvent importants. Par le développement en succursales, le franchiseur prend par ailleurs lui-même les décisions relatives au développement du réseau ; il s’attelle seul à la gestion du point de vente et supporte donc seul les risques liés à cette activité, de même qu’il recueille, le cas échéant, seul les bénéfices dégagés par ses succursales.
L’importance des moyens humains et financiers explique que le succursalisme ne représente qu’une faible proportion du développement des réseaux à l’international, ou ne constitue parfois qu’une phase de test préalable à l’implantation de franchisés.
2) La Master-franchise consiste à accorder à un partenaire local, le master franchisé, en contrepartie d’un droit d’entrée et d’une redevance d’enseigne et d’assistance pendant toute la durée du contrat, une exclusivité d’exploitation et de développement du concept et du savoir-faire associé à l’enseigne dans un pays considéré. Il s’agit du modèle le plus emprunté en pratique.
Le recours à la master-franchise s’impose chaque fois que la distance constitue un obstacle pour le franchiseur dans le cadre de l’exécution de ses obligations (et en particulier de son obligation d’assistance) et/ou que le franchiseur dispose de connaissances insuffisantes sur le pays cible. Le développement du concept sur le territoire étranger est à la charge du master-franchisé. C’est lui qui définit notamment les meilleurs emplacements géographiques, le recrutement des franchisés sur place, l’adaptation du savoir-faire aux habitudes locales en accord avec le franchiseur, la validation du concept sur place avec un pilote, etc.
Le réseau peut également être développé en franchise directe ; le rôle du franchiseur vis-à-vis de ses partenaires locaux sera alors identique à celui qu’il tient auprès des franchisés du réseau d’origine.
3) La joint-venture désigne l’entreprise créée en commun avec un partenaire local, permettant d’exercer un contrôle sur la société master-franchisée, dont le franchiseur est associé.
La formule de joint-venture est une véritable alternative à la master franchise et à la franchise directe, la joint-venture s’appuie sur l’idée d’un partage de risques. Le franchiseur apporte la licence de marque, son savoir-faire et une assistance continue. Le partenaire lui apporte ses implantations sur place, son personnel et sa connaissance du marché. Généralement, l’option de la joint-venture permet à un franchiseur de pouvoir développer plus rapidement sa marque sur le territoire visé. Le contrôle est également facilité puisque le réseau est géré sur place par un interlocuteur déjà bien implanté.
Consistant en une association d’entreprises ayant pour objet la réalisation d’un projet commun, la joint-venture est par essence provisoire, ne devant durer que le temps de la réalisation du projet formé. Il est donc fondamental que les parties organisent les modalités de leur sortie du capital, ainsi que les obligations qui continueront de s’appliquer à elles postérieurement à leur sortie, dans un pacte d’actionnaires confidentiel et non-opposable aux tiers. Si les associés souhaitent rendre certaines stipulations du pacte opposables aux tiers, il leur sera possible, en fondant une société par actions simplifiées de droit français, d’insérer ces stipulations dans les statuts, compte tenu de la souplesse du régime de cette société.
Jérôme Guillé,
Avocat.
Article initialement publié dans le Journal du Management Juridique n°63.