Le décompte de la durée de la période n’est pas toujours chose aisée lorsque le salarié s’absente de son poste entrainant ainsi une prorogation du terme de la période d’essai.
La Cour de cassation affirme, par un arrêt du 11 septembre 2019, que la prise de jours de récupération prolonge la période d’essai et que la durée de la prolongation de l’essai n’est pas limitée aux jours ouvrables.
Cass. Soc. 11.09.2019, n°17-21.976
Par Annabelle Sevenet, Avocat.
A l’occasion de la conclusion d’un contrat de travail, employeur et salarié bénéficient d’une période au cours de laquelle ils peuvent, librement, rompre le contrat sans motivation.
La période d’essai permet ainsi à l’employeur de s’assurer que le salarié qu’il a recruté bénéficie effectivement des compétences et des qualités professionnelles requises pour occuper le poste.
Le salarié a également la possibilité de se libérer de son contrat de travail si toutefois celui-ci ne correspond pas à ses attentes.
Cette période est toutefois limitée dans le temps et le calcul de la durée de la période d’essai constitue un enjeu majeur pour les parties puisqu’au-delà du terme, le contrat est considéré comme étant définitif et sa rupture doit respecter les modes de rupture de droit commun.
La période d’essai se décompte en jours calendaires, c’est-à-dire que l’intégralité des jours de la semaine sont comptés, y compris les week-ends et jours fériés.
A titre d’exemple, une période d’essai de deux mois qui débute le 12 septembre 2019 prendra fin le 11 novembre 2019 au soir, peut important que le dernier jour de la période d’essai tombe un dimanche ou un jour férié.
Néanmoins, la durée de la période d’essai se verra prolongée en cas d’absence du salarié, notamment en cas d’absences pour maladie ou congés, puisque l’objet même de cette période est de pouvoir apprécier les compétences du salarié dans l’exercice de ses fonctions.
Par un arrêt du 11 septembre 2019, la Cour de Cassation est venue préciser le mode de calcul de la durée de la période d’essai en précisant expressément que la prise de jours de réduction du temps de travail (RTT) par le salarié prolonge d’autant la période d’essai, cette prolongation n’étant pas limitée aux jours ouvrables.
En l’espèce, une salariée est engagée le 17 février pour une période d’essai de quatre mois, laquelle aurait donc dû prendre fin le 16 juin au soir.
Pendant cette période la salariée prend sept jours de RTT au cours du mois de mai.
En parallèle, l’employeur renouvelle la période d’essai de la salariée pour finalement rompre celle-ci au mois de septembre.
La salariée saisit le Conseil de Prud’hommes en affirmant que la rupture de son contrat de travail est intervenue au-delà du terme de la période d’essai et doit donc être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Saisie de l’affaire, la Cour de Cassation réaffirme, en premier lieu sa position constante au terme de laquelle l’absence du salarié (tel que les congés payés, les congés sans solde, la prescription d’un arrêt de travail pour maladie d’origine professionnelle ou non) entraîne la prolongation de la période d’essai.
La Cour ajoute que l’absence du salarié du fait de la prise de jours de RTT, même pris en compensation d’une augmentation de la durée du travail, prolonge d’autant la durée de la période d’essai.
En second lieu, la Haute Cour rappelle que l’absence du salarié prolonge l’essai d’une durée égale à celle de la suspension du contrat et que – sauf dispositions conventionnelles ou contractuelles plus favorables – la durée de la prolongation de l’essai ne peut pas être limitée aux seuls jours ouvrables inclus dans la période ayant justifié cette prolongation.
Une fois n’est pas coutume, la Cour prend le soin d’expliquer son calcul :
« Et attendu que la cour d’appel ayant constaté qu’alors que la période d’essai de quatre mois expirait le 16 juin à minuit, la salariée avait pris sept jours de récupération du temps de travail, dont cinq jours continus la semaine du 19 au 23 mai, a décidé à bon droit que les samedi 24 mai et dimanche 25 mai durant lesquels la salariée n’avait pas effectivement travaillé devaient être pris en compte pour prolonger la période d’essai qui a, en conséquence, expiré le 25 juin à minuit et qu’il en résulte que le renouvellement de la période d’essai intervenu le 24 juin était valable ».
La salariée souhaitait en réalité exclure les jours de week-end du délai de prolongation estimant que la prise de sept jours (ouvrables) de RTT devait prolonger la période d’essai de sept jours (calendaire), ce qui avait pour effet de réduire artificiellement la durée réelle de sa période d’essai.
La Cour de Cassation n’est pas dupe et confirme, par cet arrêt, que l’essence même de la période d’essai est de permettre à l’employeur d’apprécier, concrètement, les qualités professionnelles du salarié, et ce au cours de l’exercice effectif de ses fonctions.
Annabelle Sevenet,
Avocat à la Cour.