Contrat de travail et validité de la clause de non-concurrence.

Beaucoup d’employeurs intègrent une clause de non-concurrence dans le contrat de travail de leurs salariés pour se prémunir de futures actions de concurrence une fois la relation contractuelle terminée. Malgré leur efficacité, ces clauses ne sont pas « toutes-puissantes ». Pour être valables, elles doivent respecter certains critères. Explications.

Rendre une clause de non-concurrence insusceptible de recours, est-ce possible ?

Venant en contrariété aux principes fondamentaux des libertés du travail et de concurrence reconnus à tout un chacun, la clause de non-concurrence fait l’objet d’un encadrement strict par le législateur et par les tribunaux.

Cette clause peut être prévue lors de la conclusion du contrat de travail, mais aussi postérieurement à cette dernière, par un commun accord des parties pendant l’exécution du contrat ou même postérieurement par la signature d’une transaction.

Il n’est pas rare qu’une action en nullité soit intentée à son encontre par le salarié débiteur d’une telle obligation et qu’elle aboutisse (en raison d’une faille dans sa rédaction par l’employeur qui serait passé à côté de certains éléments de validité par exemple).

C’est à cet égard que l’intervention d’un professionnel du droit est nécessaire afin de rédiger cette clause en appréhendant toutes les dispositions légales et jurisprudentielles.

Il faut savoir que depuis les arrêts de la Chambre sociale de la Cour de cassation en date du 10 juillet 2002 (n°00-45387 ; n°X 99-43.334, Y 99-43.335 et Z 99-43.336 ; et n°00-45387), la clause de non-concurrence ne pourra produire ses effets que si l’ensemble des conditions posées en jurisprudence sont remplies non pas alternativement, mais bien cumulativement. Ces critères conditionnent ainsi la licéité de cette obligation. De ce fait, « une clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière ».

Les termes « d’intérêts légitimes de l’entreprise » font l’objet d’une appréciation souveraine des juges du fond, il n’est pas possible de prescrire une règle générale qui sera applicable à toutes les situations. À titre indicatif, constitue une atteinte aux intérêts légitimes de l’entreprise le salarié qui détient des formules de fabrication d’un produit et les utilise pour développer sa propre boutique, concurrençant déloyalement son employeur.

La jurisprudence ne cesse d’intervenir pour préciser l’étendue de ces conditions de validité et interpréter au cas par cas la validité de ces clauses. Récemment, la Chambre sociale a rappelé dans un arrêt en date du 2 décembre 2015 (n°14-19029) que cette obligation de non-concurrence ne doit pas avoir pour finalité de nuire à la liberté de travail du salarié et qu’elle doit être encadrée dans son étendue. Ainsi, le fait d’articuler la clause au profit de l’employeur en subordonnant sa mise en œuvre à son bon vouloir est totalement contraire et disproportionné à la privation des principes fondamentaux dont bénéficiait le salarié (liberté du travail et liberté de commerce) qui se retrouvait dans une situation d’insécurité et d’incertitude. La clause ne pourra rester « en sommeil » et reposait sur une condition suspensive potestative selon la volonté de l’employeur.

Pour éviter de subir toute annulation postérieure de la clause de non-concurrence et devoir payer des dédommagements à votre salarié, il vaut mieux prévenir que guérir. La solution ? Ayez recours à un avocat compétent en droit social afin qu’il vous assiste dans la rédaction du contrat de travail et des clauses spécifiques.

Attention à la requalification de la clause de « non-détournement de clientèle » !

Cette clause de non-concurrence ne doit pas être confondue avec d’autres dénominations. Notamment la clause dite d’exclusivité qui oblige le salarié à ne pas céder à la tentation du démarchage exercé auprès de lui par une société tierce ou encore de cumuler son poste avec le contrat que pourrait lui proposer en parallèle une autre entreprise. Ou bien, la clause dite de confidentialité qui oblige le salarié à garder le secret sur les connaissances des informations et dossiers de son entreprise. Ces diverses clauses ne sont pas, en principe, considérées comme étant des clauses de non-concurrence. Seule une étude des cas par les juges du fond permettra de dire si une requalification sera nécessaire.

À titre illustratif, si la Cour de cassation refuse de requalifier la clause de non-sollicitation conclue entre la société qui emploie le salarié et une entreprise cliente (alors même qu’elle serait contraignante pour le salarié), elle l’accepte de le faire pour la clause de non-détournement de clientèle.

Cette requalification aura lieu toutes les fois que l’interdiction stipulée à l’encontre de l’employé a pour effet de le priver de l’exercice de toute activité qui entrerait dans le champ de sa formation et son expérience professionnelles.

C’est ainsi qu’un arrêt en date du 2 juillet 2008 (Cass. Soc. 2 juillet 2008, n°07-40618), la haute Cour est venue censurer une clause de non-détournement de clientèle en la requalifiant de clause de non-concurrence, car « elle aboutissait à interdire au salarié l’accès à toute entreprise œuvrant dans le secteur aéronautique », et ce sans contrepartie financière, ni limitation dans le temps et dans l’espace de l’interdiction.

Qui peut remettre en cause la clause de non-concurrence ?

Il est possible de remettre en cause la validité de la clause de non-concurrence en introduisant une action en nullité. Or, cette action est attitrée à la personne du salarié débiteur de l’obligation. Autrement dit, lui seul pourra décider d’introduire un recours en nullité contre la clause qui porterait atteinte à sa liberté de travailler et sa liberté du commerce, c’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation par un arrêt en date du 25 janvier 2006 (Cass. Soc. 25 janvier 2006, n°04-43646).
Le demandeur (salarié) devra démontrer en quoi la rédaction de la clause serait contraire aux dispositions légales et éventuellement contractuelles (s’il y a des accords collectifs, de branches).

La nullité ne sera pas nécessairement prononcée par les juges qui peuvent décider de réviser les termes de l’obligation, notamment en modulant les contraintes temporelles et/ou spatiales. La renonciation de l’employeur à mettre en exécution l’obligation de non-concurrence est aussi admise, cette dernière libérera le salarié.

Dans l’éventualité où la nullité est prononcée, l’employé sera alors libre d’exercer les fonctions désirées sans craindre aucune sanction pécuniaire. Et pourra même obtenir des indemnités, car « la stipulation dans le contrat de travail d’une clause de non-concurrence nulle cause nécessairement un préjudice au salarié » (Cass. Soc. 12 janvier 2011, n°08-45280).

Nathalie CHOUR, juriste

Sources : legifrance.gouv.fr ; « Concurrence (obligation de non-concurrence », PICOD. Yves ; Sébastien ROBINNE, in répertoire de droit du travail, Dalloz, juin 2015.