Cass. civ. 1ère, 14 février 2018, n°17-10.514
Le délai de rétractation de l’acquéreur non professionnel d’un immeuble d’habitation court à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l’acte d’acquisition. Dans le cas où la lettre a été retournée au notaire avec la mention « non réclamée », ce dernier ne peut être tenu responsable, la lettre ayant été régulièrement notifiée.
Selon le premier alinéa de l’article L.271-1 du Code de la construction et de l’habitation (dans sa rédaction antérieure à la loi du 6 août 2015 applicable en l’espèce) : « Pour tout acte ayant pour objet la construction ou l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation, la souscription de parts donnant vocation à l’attribution en jouissance ou en propriété d’immeubles d’habitation ou la vente d’immeubles à construire ou de location-accession à la propriété immobilière, l’acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de sept jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l’acte ».
Dans notre espèce, le 19 juillet 2010, par acte sous seing privé, Mme X a vendu aux époux Y un immeuble à usage d’habitation. Les 19 et 28 juillet, cet acte leur a été notifié par M. Z, notaire chargé de la rédaction de l’acte authentique. La première lettre est revenue à l’étude notariale avec les mentions « pli non distribuable » et « boîte non identifiable ». La seconde lettre est également revenue en portant la mention « non réclamée ».
Les acquéreurs n’ayant pas souhaité réitérer la vente, Mme X les a assignés devant le Tribunal de grande instance de Montpellier en paiement du montant de la clause pénale stipulée dans l’acte. Par jugement du 5 janvier 2010 devenu irrévocable, le Tribunal de grande instance a rejeté les demandes de Mme X au motif que « le compromis de vente n’avait pas été notifié » aux époux. Mme X a alors assigné le notaire en responsabilité et indemnisation en réparation du préjudice subi.
Par un arrêt du 24 septembre 2015, la Cour d’appel de Nîmes (CA Nîmes, 24 septembre 2015, RG n°14/01048) a fait droit à la demande de Mme X en retenant que « les deux lettres recommandées adressées [aux époux Y] n’ayant pas été réceptionnées, le délai de rétractation prévu par l’article L.271-1 du code de la construction et de l’habitation n’a pas couru à son égard et qu’il appartenait au notaire de prendre toutes mesures nécessaires afin d’assurer l’efficacité de la notification du compromis de vente, de tenter une notification par un autre mode de délivrance et d’avertir Mme X de la difficulté rencontrée ». Sur pourvoi du notaire, la Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Nîmes au visa de l’article L.271-1 du Code de la construction et de l’habitation, ensemble l’article 1382, devenu 1240 du Code civil. Après avoir rappelé le principe du premier article, les juges de la Haute Juridiction ont relevé « qu’il résultait [des propres constatations de la Cour d’appel], que, régulièrement avisé le 29 juillet 2010, [les époux Y se sont abstenus] d’aller retirer la lettre recommandée à la poste, la Cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Les juges de la Haute juridiction ont considéré que le notaire n’avait pas commis de faute et n’avait donc pas pu causer de préjudice à Mme X. En effet, les juges ont fait une stricte application de l’article L.271-1 du Code de la construction et de l’habitation qui indique très clairement que le délai commence à courir le lendemain de « la première présentation de la lettre » notifiant l’acte : le texte ne parle pas de réception de la lettre mais de sa présentation. Ainsi, le notaire n’avait pas à notifier d’une autre manière comme le soutient la Cour d’appel de Nîmes.
Cette décision de la Cour de cassation n’est pas étonnante en ce sens qu’elle applique strictement le principe de l’article L.271-1 du Code de la construction et de l’habitation.
Elle est protectrice du notaire dont la responsabilité ne saurait être mise en jeu du fait de la défaillance des acquéreurs (lesquels se sont abstenus de retirer la notification) et/ou de la vendeuse, (laquelle n’a, semble-t-il, pas relevé appel du jugement du TGI de Montpellier ayant rejeté ses demandes de condamnation à l’encontre des acquéreurs) dès lors qu’il a rempli strictement ses obligations issues de l’article L.271-1 du Code de la construction et de l’habitation.
A rapprocher :Article L.271-1 du Code de la construction et de l’habitation ; Article 1240 du Code civil
Par Pauline Pescarou, juriste du cabinet SIMON ASSOCIES