Innovation des avocats : de l’idée à la concrétisation du projet.

Innover n’est pas inné et les avocats, en raison de leur formation très académique, ne sont pas les mieux armés pour se lancer dans une telle démarche !

Pourtant, ils sont de plus en plus nombreux à franchir le cap et à concevoir des projets novateurs. Mais comment à partir d’une idée arrive-t-on à développer et à concrétiser une innovation ? Telle est la question à laquelle nous avons tenté de répondre en interrogeant les 6 cabinets candidats à la 3ème édition du prix organisé par le Village de la Justice.

Voici quelques pistes à suivre avant et jusqu’au lancement de l’innovation pour être en accord avec l’évolution de la relation-clients et des usages :

Observer les pratiques du secteur marchand centrées sur l’expérience client :

Le secteur marchand est très orienté client, davantage que les cabinets d’avocats qui peuvent paraître difficilement accessibles aux clients potentiels.

Fabien Couvoisier et Rui Cabrita sont partis de ce constat pour créer Solegal.fr, une innovation qui se base sur un parcours d’empathie client. « La technique ne suffit pas, il faut développer une véritable approche client, non seulement pendant, mais également avant et après l’intervention de l’avocat, pour permettre une véritable expérience client. »

Cette fameuse expérience client/avocat est aussi à l’origine de l’application Flash Avocat. « Nous avions remarqué que bien souvent, pour soumettre un problème juridique, il est nécessaire de transmettre un document. Ecrire un email, penser à contacter directement son avocat n’est pas un réflexe naturel pour le justiciable, pour qui le temps est précieux. Notre ambition visait donc à faciliter les échanges. « Sans prendre de gants », l’utilisateur est ainsi invité à 
flasher son acte pour recevoir une solution sur mesure. » nous confie Yohan Dehan, avocat co-fondateur de l’application.

Analyser les besoins juridiques du marché visé :

Quand on souhaite innover sur un marché en particulier, une phase d’analyse et d’audit est indispensable. Les 3 associés du cabinet Alto Avocats ont donc suivi cette démarche avant de se lancer sur le marché des entreprises de croissance, plus couramment appelées start-up. Arnaud Touati, Harry Allouche et Jonas Haddad ont mis en place un forfait juridique clé en main mensuel ainsi qu’un réseau de partenaires après six mois d’analyse en amont de sa création.
« Nous avons interrogé des entrepreneurs sur leurs besoins, leurs attentes et leurs déceptions parfois vis-à-vis des avocats et ils ont exprimé deux enjeux majeurs qui nous ont permis de créer une offre qui leur soit spécialement dédiée. Puis lors d’une deuxième phase de six mois également, nous avons mis en place des solutions concrètes répondant aux constats faits à l’occasion de l’audit et nous avons ajusté notre offre en fonction des retours de nos clients et partenaires. » expliquent-ils.

Analyser les besoins des clients dans sa spécialité :

Deux des projets présentés cette année le sont dans le domaine du droit fiscal, un domaine aux problématiques très pointues mais aussi très diverses puisqu’elles s’adressent aux particuliers comme aux entreprises et à des échelles variables. C’est ainsi que le cabinet LBSB d’un côté, et d’Onorio di Méo de l’autre, ont décidé d’innover dans leur domaine de spécialité en créant des offres très ciblées et différentes, tout en s’adaptant aux nouveaux usages.

Pour innover, le cabinet LBSB a ciblé une problématique récurrente du contentieux bancaire : le contentieux TEG, pour créer une offre entièrement dématérialisée sur une interface spécifique www.teg-lbsb.com. « Avec ce projet, nous voulions répondre à la problématique de la gestion du temps, au besoin d’information en temps réel des dossiers mais aussi d’être en phase avec l’époque et proche des habitudes de nos clients. Quelles que soient les actions menées par les clients (paiement des impôts, achats, vacances…), elles s’effectuent en ligne » expliquent Samya Badouraly et Laurent Bayon.

Eve d’Onorio di Méo propose une plateforme web dédiée aux remboursements d’impôts des non-résidents et des frontaliers. « J’ai constaté un réel besoin des résidents étrangers éloignés de France face à la complexité du système fiscal français et à son évolution d’une année à l’autre. L’évolution jurisprudentielle de l’année 2015 pour les non résidents en matière de CSG a été un déclic : il fallait mettre en place une plateforme internet pour proposer une assistance aux non résidents pour obtenir leur remboursement d’impôt et CSG. »

Développer et s’appuyer sur des compétences autres que juridiques :

Pour les avocats de Solegal, il est nécessaire d’internaliser des compétences d’innovation ou a minima d’y être sensibilisé. « Ce projet nous a permis d’acquérir des compétences sur des domaines qui ne font l’objet d’aucun enseignement dans la formation de l’avocat. Nous avons ainsi dû faire preuve de créativité et de curiosité pour développer nos compétences en matière numérique et technique (lecture et formation sur le marketing des professions juridiques, l’ergonomie de sites web ; développement en interne de l’approche et des concepts relatifs à notre projet) » précisent-ils.

Pour cela, il faut avoir recours à des partenaires tiers qui vont pouvoir retranscrire le projet d’un point de vue technique (codage, graphisme…). C’est ainsi qu’a procédé Sébastien Salles qui a créé un site internet dédié à la défense des consommateurs pour la résolution amiable de leur litige ou la mise en place d’action groupée.
« Je l’ai développé avec des informaticiens, des webdesigner, des étudiants en droits… en donnant une idée directrice à ces équipes, en regardant ce qui se faisait déjà ailleurs mais qui restait imparfait et non professionnel. Enfin, j’ai essayé de croiser quotidiennement les compétences juridiques que je possède avec les compétences techniques des informaticiens qui m’entourent ».

Même principe pour Solegal.fr : « Cela a nécessité un travail extrêmement important passant par l’élaboration des briefs, maquettes, croquis, schémas, textes de notre site internet et de notre parcours client, ainsi que du choix des photos et une collaboration étroite avec nos partenaires. De nombreux allers et retours ont été nécessaires, nécessitant au final un travail de plusieurs mois. »

Des projets qui se concrétisent grâce à l’utilisation des technologies :

Les technologies permettent d’améliorer la relation-client et toutes les innovations présentées cette année se concrétisent par leur utilisation à des degrés et sur des sujets plus ou moins différents. Toutes passent bien entendu par un site internet ou par une application, élément indispensable pour communiquer, interagir, avec ses clients ou trouver des prospects. Car à partir de cet outil, les possibilités d’ajouts de services sont très nombreuses : mise en place des dossiers partagés, automatisation de certaines tâches, communication grâce à une messagerie instantanée (chat), mise à disposition d’information pertinente et d’actualité, suivi en temps réel des dossiers…
Pour reprendre les propos de Sébastien Salles « pour un avocat, le problème à résoudre est d’offrir un accès rapide, efficace et économique tout en maintenant une haute exigence professionnelle. Avec le développement des nouvelles technologies ce problème peut être résolu. J’ai testé les solutions au fur et à mesure. Tout d’abord en créant un premier site d’avocat qui permet aux clients d’accéder à leur dossier à travers le site ; puis en testant des formulaires informatiques sur des litiges juridiques déterminés en matière d’escroquerie à « l’annuaire » dont sont souvent victimes les petites entreprises. Enfin, en utilisant et en adaptant un logiciel de gestion de cabinet que nous avons ensuite couplé avec le site avocat-salles.fr qui est le résultat de ces différents tests. Nous avons énormément travaillé sur l’expérience utilisateur afin de rendre le site le plus accessible possible. C’est une énorme aventure humaine et technique qui ne fait que commencer. »

(Par Laurine Tavitian, Rédactrice www.village-Justice.com )

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