Les huit erreurs des indépendants. Erreur n°4 : ne pas prendre toutes les précautions pour protéger sa création par le droit de la propriété intellectuelle !

Il est possible qu’au moment de la création de sa start-up, l’indépendant ait déjà développé un produit, un service, un logo ou un savoir-faire particulier. Le plus souvent, au moment de la création de sa start-up, l’indépendant a d’ores et déjà planché sur des concepts, et la constitution d’une société est destinée à permettre d’aboutir à un produit fini.

Pour chacun de ces cas, il faut bien sûr organiser la transmission des droits à la start-up afin de s’assurer que l’intégralité des droits est bien entre ses mains et éviter que ces droits ne reviennent aux associés ou aux salariés… mais ce n’est pas suffisant !

Il faut aussi que la start-up choisisse les protections les plus adaptées à ses créations et à ses moyens ! A titre d’exemple, le dépôt d’un brevet aux Etats-Unis, en Chine et pour l’ensemble des pays de l’Union européenne n’est peut être pas un élément essentiel si (1) votre invention peut encore être perfectionnée et (2) vous ignorez combien coûte une telle protection.

En menant cette réflexion jusqu’à son terme, la start-up peut valoriser les actifs dont elle est propriétaire, ce qui permet de crédibiliser la démarche entrepreneuriale vis-à-vis des banques pour financer un crédit et vis-à-vis des investisseurs dans le cadre d’une levée de fonds.

Pour s’y retrouver entre les différents actifs que peut aisément valoriser une start-up, nous en ferons une présentation sous forme de top 3…

3. L’œuvre protégée par le droit d’auteur

Le droit d’auteur est devenu la protection « par défaut » pour les créations des start-ups. Logos, photographies, logiciels, écrits, vidéo… Toutes les créations de la start-up peuvent être protégées par le droit d’auteur à condition de ne pas avoir d’effet technique (dans ce cas, il faut s’orienter vers le brevet) et d’être, selon la formulation so 1850 de la Cour de cassation, « revêtue de l’empreinte de la personnalité de son auteur » : grossièrement, on peut dire qu’est protégée par le droit d’auteur toute création qui a nécessité des efforts particuliers.

En pratique, le titulaire des droits d’auteur peut s’opposer à toute reproduction (par exemple, la moulure d’une sculpture, l’impression d’une image ou le téléchargement d’un logiciel) et toute représentation (par exemple, la diffusion télévisée ou par streaming d’une vidéo ou d’un enregistrement audio) de son œuvre.

Bonus : la protection par le droit d’auteur est gratuite, ne nécessite aucun enregistrement et est reconnu au niveau international.

Cependant, si la start-up peut s’enorgueillir de disposer de droits d’auteur sur ses créations, elle doit veiller à ne pas enfreindre les droits des tiers. Ce point est extrêmement délicat à gérer dans le cas d’œuvre dites « collectives », « de collaboration » ou « dérivées », c’est-à-dire de créations auxquelles participent plusieurs personnes. Dès qu’une création « à plusieurs » est envisagée, la start-up doit se poser les questions suivantes :

  • si des salariés participent à la création, sont-ils autonomes ou participent-ils à la création sous la direction de la start-up ?
  • si des freelancers participent à la création, s’agit-il de l’apport d’une œuvre préexistante ou de la participation sur une partie spécifique de la création ? A chacun des cas correspond une forme de cession des droits d’auteurs dont pourrait être titulaire le freelancer.

Le rôle du droit d’auteur est devenu prépondérant avec Internet. S’il peut être une réelle opportunité pour la start-up, il peut également devenir un véritable casse-tête lorsqu’il est mal géré. Il serait en effet dommage de devoir gérer du contentieux sous prétexte qu’un sous-traitant a utilisé des stockshots sans payer les redevances et sans vous prévenir à l’avance…

2. Le brevet

Le brevet est certainement l’actif le plus valorisé par les financiers et les investisseurs. Il représente souvent l’aboutissement des efforts d’une start-up sur un projet innovant. Le brevet est aussi un excellent argument commercial et un moyen extrêmement fiable pour se réserver un marché pendant une durée maximum de vingt ans.

Pour pouvoir obtenir un brevet, il faut disposer (1) d’une invention (2) nouvelle, (3) inventive et (4) susceptible d’application industrielle. La formulation alambiquée des critères de nouveauté, d’activité invention et d’application industrielle vise essentiellement à empêcher le dépôt de brevet sur des éléments techniques déjà connus, se déduisant banalement de l’état de la technique ou sans utilité particulière.

La définition de l’invention (qui est reconnue au niveau européen mais qui diffère fondamentalement de la définition en vigueur aux Etats-Unis) s’effectue quant à elle par la négative. En droit français et européen, ne sont pas considérés comme des inventions notamment les business methods, les créations artistiques, les jeux et les théories. Tout le reste peut constituer une invention.

Le logiciel a un statut compliqué vis-à-vis du brevet : non-brevetable en France, il est brevetable sous condition au niveau européen et tout à fait brevetable aux Etats-Unis.

L’inconvénient principal du brevet est son coût, souvent mal estimé.

En effet, un brevet ne permet d’interdire l’exploitation de l’invention brevetée que sur le territoire qu’il désigne. Ainsi, le dépôt d’un brevet français ne permet pas d’interdire l’exploitation de l’invention en Allemagne et sa commercialisation au Royaume-Uni.

Ainsi, pour avoir une réelle efficacité, le brevet doit souvent faire l’objet de procédure de dépôt au niveau européen ou international et être traduit. Ces coûts s’ajoutent aux redevances annuelles appelées « annuités » que devra payer le titulaire du brevet pour que son brevet soit maintenu en vigueur. Les annuités pour un brevet français s’élèvent progressivement de 38 euros à 790 euros pour la vingtième et dernière année d’exclusivité.

A défaut de pouvoir disposer d’un brevet unitaire pour l’ensemble des pays de l’Union européenne, une start-up qui voudrait déposer un brevet dans plusieurs Etats membres devra passer par l’Office européen des brevets et supporter autant d’annuités que d’Etats désignés, ce qui peut alourdir considérablement la facture.

Aux Etats-Unis, le système des brevets étant unique, les annuités s’échelonnent de 1 600 à 7 400 dollars. Ce coût est relativement faible si l’on considère qu’il permet de donner accès à un marché de plus de 300 millions de consommateurs…

1. La marque

La marque est la valeur première, essentielle, sur laquelle doit capitaliser la start-up. Elle est le nom sous lequel elle est connue de ses clients, le logo identifiable sur les produits.

Tous les concurrents peuvent librement déposer des marques et se réserver ainsi, pendant dix années renouvelables à volonté, un signe qu’ils associent à leur activité. On peut déposer autant de marques que l’on souhaite, par exemple pour désigner des produits ou des prestations proposées par la start-up.

Pour créer de la valeur, la marque doit permettre au client de distinguer les produits de la start-up parmi ceux de ses concurrents. Le caractère distinctif de la marque doit ainsi être travaillé dès l’origine (exit, les « cafés du commerce ») et être protégé à tous prix contre des concurrents qui pourraient être tentés de reprendre à leur compte la marque dans son ensemble, en la modifiant à la marge, ou ses caractères les plus spécifiques.

Ce point est essentiel puisque, si la marque ne dispose pas de caractère distinctif à l’origine ou si elle le perd au fil du temps, du fait par exemple de sa dilution par les usages des concurrents, non seulement la marque perdra de son efficacité pour le client mais, de plus fort, la validité même du droit de marque pourra être remise en cause.

Or, en cas d’annulation de la marque, tous les concurrents pourront librement exploiter tout ou partie de la marque. Pire, la start-up pourra se voir interdire l’utilisation du signe qu’elle utilise si ce signe est similaire ou identique à la marque déposée par un tiers antérieurement. La start-up aura alors perdu tous ses investissements pour se constituer une identité.

Alors que la règle en matière de noms de domaine est de cibler des expressions génériques pour capter le trafic et l’orienter vers la start-up, la règle en matière de marque doit toujours être de créer un signe résolument distinctif et de ne commencer à en faire la promotion qu’après avoir vérifié que ce signe est disponible et n’est pas susceptible de violer les droits de tiers.

En pratique, la marque est un actif aisément valorisable puisqu’il participe à la constitution de la clientèle de la start-up et à la valorisation de son fonds de commerce. Elle est également un actif peu coûteux et très rapide à obtenir :

Pour 200 euros, la start-up peut déposer sa marque et réserver un signe à son propre usage sur l’ensemble du territoire français ;

Pour 850 euros, la start-up peut déposer une marque européenne et se déployer efficacement sur le territoire de l’Union ;

La marque américaine coûte quant à elle 325 dollars.

Toutes sont valables 10 ans, sous réserve d’être convenablement exploitées, et peuvent être déposées en ligne.

Pour les plus exigeants, l’OMPI a même créé une procédure permettant le dépôt de marques via internet dans les contrées les plus lointaines et les plus exotiques.

Dans tous les cas, et pour éviter toute mauvaise surprise, il est recommandé (et parfois obligatoire) d’obtenir le conseil d’un spécialiste local qui pourra réaliser une recherche d’antériorité (le signe est-il déjà exploité dans le pays concerné ?) et mettre en place une veille pour alerter la start-up en cas de contrefaçon.