La tacite prolongation du bail commercial au-delà de douze années.

Lorsque le bail commercial initial arrive à sa date contractuelle d’expiration (en l’absence de congé ou de demande de renouvellement), le bail se prolonge tacitement, pour une durée indéterminée.

S’agissant d’une durée indéterminée, ce contrat de bail commercial pourra prendre fin à tout moment, par une demande de renouvellement du locataire ou par un congé donné par le bailleur (ou le locataire).

Par ailleurs, le preneur risque un déplafonnement du loyer qui devra toutefois être justifié par un changement notable des éléments constitutifs de la valeur locative.

1 - Application de la loi dans le temps en ce qui concerne le bail commercial tacitement prolongé.

En principe, les modifications législatives qui interviennent pendant la période de tacite prolongation n’affectent pas le bail, sauf si la loi en dispose autrement [1].

Cependant, la jurisprudence semble appliquer les dispositions d’ordre public immédiatement aux baux en cours (arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 9 février 2017, n°16-10.350).

Par conséquent, les dispositions spécifiques au déplafonnement de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 (ci-après, la « loi Pinel ») ne s’appliquent pas aux baux en cours puisqu’elles ne sont pas d’ordre public.

En effet, l’article L145-34 du Code de commerce ne s’applique qu’aux seuls contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014 (il ne s’agit pas d’une disposition d’ordre public pour la jurisprudence et ce texte n’est pas listé au sein de l’article L145-15 du Code de commerce).

Un bail commercial conclu ou renouvelé antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi Pinel exposera donc le preneur à un risque de déplafonnement.

2 - Nature et durée du bail tacitement prolongé.

Lorsque le bail commercial arrive à sa date contractuelle d’expiration, son terme, en l’absence de congé délivré par le bailleur au moins six mois avant ou en l’absence de demande de renouvellement à l’initiative du preneur, le bail se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat, pour une durée indéterminée [2].

3 - Déplafonnement du bail commercial tacitement prolongé.

Si le bail se poursuit tacitement au-delà du terme contractuel de neuf ans, en excédant une durée de douze (12) ans, le plafonnement du loyer du bail est exclu de plein droit (sauf si le bail a été conclu ou renouvelé à compter de l’entrée en vigueur de la loi Pinel).

Ce déplafonnement permettra au bailleur de faire réévaluer le loyer du bail à sa valeur locative réelle au moment du renouvellement.

Toutefois, la réévaluation devra être justifiée et la preuve d’une modification notable des éléments constitutifs de la valeur locative doit être rapportée.

4 - La fin du bail tacitement prolongé.

Le bail commercial tacitement prolongé, devenu contrat à durée indéterminée, peut prendre fin à tout moment par (i) une demande de renouvellement du locataire ou (ii) par congé du bailleur ou locataire.

5 - Bail tacitement prolongé et cession du fonds de commerce.

Dans le cas d’un bail tacitement prolongé, l’acquéreur du fonds, puisqu’il cherchera nécessairement à se maintenir dans les locaux, sollicitera le renouvellement anticipé du bail ou la conclusion d’un nouveau bail à son profit, concomitamment à la signature de l’acte de cession de fonds de commerce.

Si le fonds est cédé en l’absence de nouveau bail ou de renouvellement, l’acquéreur, certes avec le bénéfice d’une indemnité d’éviction, prendra le risque que le bailleur mette fin au bail par congé à tout moment.

Jonathan Durand et Donato Sirignano, Avocats.

Article initialement publié sur Le Village de la Justice.

Rédaction du site des Experts de l’entreprise.


Notes

[1Arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 19 février 1975 n° 73-14.018.

[2Arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, 27 Janvier 1999 - n° 97-12.040.