La confiscation du produit de l’infraction et la protection des droits du propriétaire.

Cass. crim., 7 novembre 2018, n°17-87.424

Dans le cas où des biens sont placés sous main de justice, les droits du propriétaire de bonne foi doivent être réservés, même lorsque le bien constitue le produit direct ou indirect de l’infraction.

Une société d’assurance déposait plainte à la suite de détournements de fonds opérés par l’un de ses employés.

Ce dernier avait fait bénéficier de ces fonds Madame A qui avait connaissance de leur origine litigieuse.

Cette dernière remettait une partie desdites sommes à Madame X lui permettant ainsi d’acquérir un véhicule et deux biens immobiliers.

Dans le cadre des investigations menées sur commission rogatoire, Madame X était placée sous le statut de témoin assisté.

Ledit véhicule faisait l’objet d’une ordonnance de remise aux domaines et les deux immeubles étaient saisis.

A l’issu de l’information judiciaire, cette dernière bénéficiait d’un non-lieu tandis que l’employé de la compagnie d’assurance et Madame A étaient renvoyés devant le tribunal correctionnel lequel, par jugement du 25 mars 2016, les reconnaissait coupables notamment des délits d’escroquerie et de recel.

Le tribunal prononçait à titre de peine complémentaire, la confiscation des scellés et des biens mobiliers et immobiliers saisis au profit de l’AGRASC. Madame X formait une demande de restitution portant sur ses immeubles et son véhicule. Sa demande était rejetée par les premiers juges. Elle interjetait appel de la décision. La Cour d’appel, pour rejeter, à son tour, la demande de restitution, s’appuyait sur les dispositions de l’article 481 du Code de procédure pénale lequel dispose :

« Si le tribunal estime que les objets placés sous la main de la justice sont utiles à la manifestation de la vérité ou susceptibles de confiscation, il sursoit à statuer jusqu’à sa décision sur le fond.
Dans ce cas, le jugement n’est susceptible d’aucun recours.
Le tribunal peut refuser la restitution lorsque celle-ci présente un danger pour les personnes ou les biens. »

Les juges du second degré considéraient que les biens saisis acquis par la requérante étaient des produits directs des infractions et ainsi susceptibles de confiscation sur le fondement de l’article 131-21 du Code pénal lequel dispose :

« La peine complémentaire de confiscation est encourue (…) de plein droit pour les crimes et pour les délits punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à un an (…).
La confiscation porte sur tous les biens meubles ou immeubles, (…), qui sont l’objet ou le produit direct ou indirect de l’infraction, à l’exception des biens susceptibles de restitution à la victime. »

Par ailleurs, la décision du tribunal ayant ordonné la confiscation des biens en cause étant devenue définitive à l’égard des prévenus, la Cour d’appel ajoutait que l’autorité de la chose jugée attachée à la condamnation faisait obstacle à la demande de restitution.

Dès lors, si l’appelante était effectivement un tiers de bonne foi, elle ne pouvait pas être considérée comme victime des infractions et se voir restituer lesdits biens. Cette dernière formait alors un pourvoi en cassation.

Au visa de l’article 6§2 de la directive 2014/42 UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, des articles 481 et 482 du Code de procédure pénale et de l’article 131-21 du Code pénal, la chambre criminelle rend un arrêt de cassation le 7 novembre 2018.

Tout d’abord, la Cour de cassation considère que le jugement qui rejette une demande de restitution est susceptible d’appel de la part de la personne qui a formulé cette demande sans que puisse lui être opposée l’autorité de la chose jugée opposable aux prévenus. En outre, la chambre criminelle indique que la demande de restitution doit être examinée sur le fondement de l’article 131-21 du Code pénal lorsque les biens ont été confisqués et non sur l’article 481 du Code de procédure pénale applicable aux biens placés sous main de justice.

La Cour rappelle enfin l’impérieuse nécessité de préserver le droit de propriété du propriétaire de bonne foi en invoquant les dispositions de l’article 6§2 de la directive 2014/42 UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 et cela même si le bien en cause constitue le produit direct ou indirect de l’infraction. Elle conclut ainsi à la violation, par la Cour d’appel des principes susvisés.

A rapprocher : Cass. crim., 26 janvier 2016, n°14-86.030

Article de Virginie Rigal, avocate au sein du département Affaires Spéciales du cabinet Simon Associés

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