Employeur, quelles sont vos obligations pour préserver la santé de vos salariés en cas de canicule ?

Comme chaque année, le dispositif de surveillance saisonnière est activé par le ministère des solidarités et de la santé du 1er juin au 15 septembre 2018.
Le plan national canicule 2017 a été reconduit en 2018 par une instruction interministérielle du 22 mai 2018.
Voici un point sur les obligations des employeurs vis-à-vis des salariés en cas de canicule.

Les fortes chaleurs qui touchent actuellement le pays concernent pleinement les employeurs qui sont légalement tenus d’une obligation de sécurité de résultat en matière de santé et sécurité de leurs salariés (C. trav., art. L. 4121-1).

Quelles sont vos obligations vis-à-vis de vos salariés en cas de canicule ?

I. Anticiper les risques liés à l’exposition des salariés aux fortes chaleurs.

Rappel des textes en vigueur et des recommandations pratiques des pouvoirs publics pour préserver au mieux vos salariés des “coups de chaud”.

A. L’obligation de prévention de l’employeur.

L’employeur est avant tout tenu à une obligation générale de prévention.

A ce titre, il doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés.

Il doit par ailleurs veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement de circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes (art. L. 4121-1 du Code du travail).

Plus précisément et afin d’anticiper les risques liés à l’exposition des salariés aux fortes chaleurs, l’employeur doit :

  • évaluer dans le document unique d’évaluation des risques (DUER) ceux liés aux ambiances thermiques (C. trav., art. R. 4121-1) et établir un plan d’action de prévention de ce risque ;
  • vérifier que la ventilation, l’aération et l’assainissement des locaux de travail est correcte et conforme à la réglementation et, dans les locaux à pollution non spécifique, s’assurer d’une aération par ventilation mécanique ou naturelle et permanente (C. trav., art. R. 4222-1 à R. 4222-9) ;
  • aménager les postes extérieurs pour protéger les travailleurs contre les conditions atmosphériques (C. trav., art. R. 4225-1) : zones d’ombre, abris ou aires climatisées.
  • concevoir les équipements et caractéristiques des locaux de travail de manière à permettre l’adaptation de la température à l’organisme humain pendant le temps de travail, compte tenu des méthodes de travail et des contraintes physiques pour les travailleurs (R. 4213-7 du Code du travail).

B. L’appui de l’administration du travail.

L’instruction du 22 mai 2018 prévoient que les Direccte ont pour mission d’inciter les entreprises à adapter l’organisation du travail en prévision de fortes chaleurs, et dans ce cadre :

  • mobiliser les services de santé au travail, par le biais des médecins inspecteurs du travail, afin que les médecins du travail conseillent les employeurs quant aux précautions à prendre à l’égard des salariés, surtout ceux qui sont les plus exposés aux risques liés à la canicule, et en informent correctement leurs salariés ;
  • prévoir une vigilance accrue de l’inspection du travail dans les secteurs d’activités les plus concernés par les risques liés à la canicule et aux ambiances thermiques, en particulier le bâtiment et les travaux publics, mais aussi d’autres secteurs (notamment : restauration, boulangerie, pressing). Ont également vocation à requérir de la vigilance, la conduite de véhicules, les emplois saisonniers à l’extérieur (ex plages…..), etc.

Dans ce cadre, l’inspection du travail incite les employeurs à déclarer chaque accident du travail.

C. Les recommandations du Haut conseil de la santé publique.

Des recommandations sanitaires à destination des employeurs ont été établies par le Haut conseil de la santé publique et sont consultables sur le site internet de l’institution (www.hcsp.fr) et ceux du ministère des Solidarités et de la Santé (www.solidarites-sante.gouv.fr) et du ministère du Travail (www.travail-emploi.gouv.fr).

Il est ainsi conseillé aux employeurs de :

  • solliciter le médecin du travail afin qu’il élabore un document à afficher en cas d’alerte météorologique (brochures et affiches sont également disponibles sur le site de l’INRS,inrs.fr ainsi que sur le site de l’Inpes, www.inpes.sante.fr) ;
  • informer et consulter le comité social et économique (CSE) sur les recommandations à mettre en œuvre en cas de fortes chaleurs et les afficher ;
  • organiser une surveillance de la température ambiante des lieux de travail ;
  • contrôler que les adaptations techniques permettant de limiter les effets de la chaleur ont été mises en place, ainsi que, éventuellement, des mesures correctives sur les bâtiments ou locaux existants (stores, volets, faux plafonds, rafraîchissement d’ambiance, ventilation forcée de nuit, films antisolaires sur les parois vitrées, etc.) ;
  • vérifier la ventilation des locaux de travail ;
  • prévoir une organisation du travail permettant de réduire les cadences si nécessaire, d’alléger les manutentions manuelles et d’adapter le rythme de travail.

II. Faire face à l’exposition des salariés aux fortes chaleurs.

A. Les obligations légales de l’employeur pendant la canicule.

L’employeur doit :

  • mettre à la disposition du personnel de l’eau fraîche et potable, à proximité des postes de travail (C. trav., art. R. 4225-2 et R. 4225-4) ;
  • mettre gratuitement à disposition des salariés devant se désaltérer fréquemment lors de circonstances de travail particulières au moins une boisson non alcoolisée.

La liste des postes concernés est établie par l’employeur, après avis du médecin du travail et du CSE (C. trav., art. R. 4225-3).

En ce qui concerne les travailleurs dans le milieu du BTP l’employeur doit mettre à disposition trois litres d’eau fraîche par jour par salarié (art. R. 4534-143 du Code du travail).

B. Les recommandations du Haut conseil de la santé publique.

1. Pour l’employeur.

Le Haut Conseil de la Santé Publique préconise :

  • d’informer tous les salariés des risques, des moyens de prévention, des signes et symptômes du coup de chaleur (document établi par le médecin du travail, notamment), ainsi qu’informer et consulter le CSE ;
  • de surveiller la température ambiante ;
  • de vérifier que les adaptations techniques permettant de limiter les effets de la chaleur ont été mises en place et sont fonctionnelles ;
  • de vérifier que des sources d’eau potable fraîche sont mises à la disposition des salariés à proximité des postes de travail et en quantité suffisante ;
  • de mettre à la disposition des salariés des moyens utiles de protection (ventilateurs d’appoint, brumisateurs d’eau minérale, vaporisateurs d’humidification, etc.) ;
  • d’aménager les horaires de travail dans la mesure du possible (début d’activité plus matinal, suppression des équipes d’après-midi, etc.) ;
  • d’organiser des pauses supplémentaires ou plus longues aux heures les plus chaudes, si possible dans des locaux plus frais ;
  • de mettre en œuvre une organisation du travail adaptée, permettant d’adapter le rythme de travail (en réduisant les cadences si nécessaire) et d’alléger les manutentions manuelles ;
  • d’inciter les travailleurs à se surveiller mutuellement pour déceler les signes de coup de chaleur ou de déshydratation grave et les signaler à l’employeur et au médecin du travail ;
  • de s’assurer que le port des protections individuelles est compatible avec les fortes chaleurs ;
  • enfin, d’organiser l’évacuation des locaux si la température intérieure atteint ou dépasse 34 °C en cas de défaut prolongé du renouvellement de l’air (recommandation CNAM R.226).

2. Pour les salariés.

Il est conseillé aux salariés :

  • de consulter le bulletin météo et de surveiller la température ambiante ;
  • de redoubler de prudence s’ils ont des antécédents médicaux ou prennent des médicaments ;
    de porter des vêtements légers, amples, de couleur claire si le travail est à l’extérieur, et permettant l’évaporation de la sueur, et de se protéger la tête du soleil ;
  • d’éliminer toute source additionnelle de chaleur (éteindre le matériel électrique non utilisé) ;
  • d’utiliser un ventilateur en association avec un brumisateur ;
  • de boire, au minimum, l’équivalent d’un verre d’eau toutes les 15-20 minutes même si le salarié n’a pas soif ;
  • d’éviter toute consommation de boisson alcoolisée (y compris la bière et le vin) ;
  • de faire des repas légers et fractionnés ;
  • d’adapter son rythme de travail selon sa tolérance à la chaleur et organiser le travail de façon à réduire la cadence ;
  • dans la mesure du possible, de réduire ou différer les efforts physiques intenses, et reporter les tâches ardues aux heures les plus fraîches de la journée ;
  • d’alléger la charge de travail par des cycles courts travail/repos (exemple : pause toutes les heures) ;
  • de réclamer et utiliser systématiquement les aides mécaniques à la manutention (diables, chariots, appareils de levage, etc.).

La chaleur n’exonère toutefois pas les salariés de l’obligation de venir travailler en tenue correcte, en particulier s’ils sont en contact avec la clientèle (Cass. soc., 28 mai 2003, nº 02-40.273 et Cass. soc., 12 novembre 2008, nº 07-42.220 : à propos du port d’un bermuda).

Le Haut conseil de la santé publique recommande aux salariés de cesser immédiatement toute activité dès qu’apparaissent des signes de malaise et de prévenir les collègues, l’encadrement et le médecin du travail.

Dans le cadre du droit de retrait, le Code du travail permet également aux salariés ayant un motif raisonnable de penser qu’ils se trouvent dans une situation de travail présentant un « danger grave et imminent » pour leur vie ou leur santé, d’arrêter leur travail, à condition d’en alerter immédiatement l’employeur. Aucune sanction ne peut être infligée aux salariés ayant exercé légitimement ce droit de retrait (C. trav., art. L. 4131-1 et L. 4131-3).

L’exposition à des fortes chaleurs pourraient entrer dans ce cadre.

C. La solution de l’activité partielle.

L’article R. 5122-1 du Code du travail dispose que :

« L’employeur peut placer ses salariés en position d’activité partielle lorsque l’entreprise est contrainte de réduire ou de suspendre temporairement son activité pour l’un des motifs suivants : […]
- un sinistre ou des intempéries de caractère exceptionnel ;
- toute autre circonstance de caractère exceptionnel
 ».

Dès lors, dans l’hypothèse où la canicule présente un caractère exceptionnel, elle devrait permettre à l’employeur de recourir au dispositif d’activité partielle s’il est contraint de réduire ou suspendre temporairement l’activité des salariés.

Dans un communiqué de presse relatif à la canicule, publié le 15 juillet 2015 sur son site internet, le ministère du Travail avait d’ailleurs indiqué que les entreprises peuvent « procéder à une demande d’indemnisation, au titre de l’activité partielle liée à des circonstances exceptionnelles ».

L’employeur doit avant tout effectuer une demande d’autorisation d’activité partielle au préfet du département où est implanté l’établissement concerné, après avis préalable du CSE.

L’employeur a l’obligation d’indemniser ses salariés placés en activité partielle, mais il peut être indemnisé au titre de l’allocation d’activité partielle, la demande devant être adressée à l’Agence de services et de paiement (C. trav., art. L. 5122-1 et s. et R. 5122-1 et suivants).

Emmanuelle Destaillats, Avocat.

Rédaction du site des Experts de l’entreprise.