Dommage ouvrage : une assurance qui a bien vécu.

L’obligation légale d’assurer les désordres de construction relevant de la responsabilité décennale impose la souscription d’une assurance dite « dommage-ouvrage » (DO), complément indispensable de la responsabilité des constructeurs. 

Cette assurance qui garantit au Maître d’Ouvrage, en dehors de toute recherche de responsabilité, un préfinancement des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs, a été instituée par la loi dite Spinetta.

Elle est régie par l’article L 242-1 du code des assurances : 
Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l’ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l’ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l’article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l’article 1792 du code civil.

Dans un arrêt du 4 février 2016 – pourvoi n° 14-29.790 et n° 15-12.128, la Cour de Cassation a rappelé l’impossible limitation de la garantie dans ce cadre : « Viole les articles L 241-1 , L 243-8 et A 243-1 du code des assurances, une cour d’appel qui décide qu’un désordre n’est pas pris en charge par l’assureur, alors qu’elle avait constaté que ce désordre rendait l’ouvrage impropre à sa destination et alors que la clause limitant la garantie aux seuls dommages affectant la structure de l’ouvrage faisait échec aux règles d’ordre public relatives à l’étendue de l’assurance responsabilité obligatoire en matière de construction et devait par suite être réputée non écrite. » (Cf : Assurance construction : impossible limitation de garantie : Gazette du Palais 23 février 2016 n° 8 p 43.)

Les Maîtres d’Ouvrage concernés par cette obligation sont les propriétaires, les promoteurs ou les vendeurs, leurs mandataires, les constructeurs de maisons individuelles qui réalisent où font réaliser des travaux de bâtiment.

La souscription de cette assurance est obligatoire. Sans préjudice des conséquences civiles, le défaut d’assurance peut être sanctionné civilement et pénalement. L’article L 243-3 du code des assurances prévoit en effet une sanction pénale allant d’une peine d’emprisonnement de 6 mois et d’une amende de 75.000 euros ou de l’une de ces deux peines seulement avec la précision que ces dispositions ne s’appliquent pas à la personne physique construisant un logement pour l’habiter lui-même (CF. Gazette du Palais – 10 mai 2016 – la responsabilité pénale et le défaut de souscription des assurances construction par Vivien ZALEWSKI-SICA.)

Dans un arrêt du 10 mars 2016, pourvoi n° 14 -15 .326, la 3ème Chambre Civile de la Cour de Cassation a jugé que : « le gérant d’une société de construction qui ne souscrit pas d’assurance décennale commet une faute intentionnelle constitutive d’une infraction pénale et séparable de ses fonctions sociales et engage ainsi sa responsabilité personnelle ».

Sur le plan civil, en cas de non souscription de cette assurance, le Maître d’Ouvrage ne pourra pas bénéficier du préfinancement des travaux de réparations faisant l’objet de la garantie décennale, il devra attendre l’issue d’une action judicaire pouvant être longue et coûteuse. En outre, en cas de revente, le Maître d’Ouvrage sera tenu personnellement responsable vis-à-vis de l’acquéreur des conséquences dommageables du défaut d’assurance.

L’assurance DO garantit la réparation des désordres de nature décennale (dommages qui compromettent la solidité de l’immeuble ou d’un élément d’équipement encastré, dommages qui rendent les lieux inhabitables ou inutilisables par rapport à leur destination et qui affectent les ouvrages dans l’un de leurs éléments constitutifs ou l’un de leurs éléments d’équipement) provenant d’un sinistre ; elle ne peut s’étendre aux travaux qui ne répondent pas à la nécessité de réparer et elle ne couvre pas les non-façons.

Cela exclut les dommages dus à une mauvaise utilisation de l’ouvrage où dont la cause ne peut être rattachée à un vice de construction.

La couverture de l’assurance porte sur la réparation matérielle des ouvrages y compris les postes annexes indispensables à la réparation.

La garantie porte sur la réparation intégrale des dommages. Les travaux préfinancés doivent être de nature à mettre fin aux désordres. L’assureur qui ne financerait pas des travaux efficaces de nature à mettre fin aux désordres ne remplirait pas son obligation. Il est en outre responsable des mauvaises préconisations de son expert.

Dans un arrêt du 22 juin 2011, pourvoi 10-16308 – la 3ème Chambre de la Cour de Cassation a rappelé que les réparations financées par l’assureur dommage-ouvrage doivent remédier de façon efficace et pérenne aux désordres et conduire à la non aggravation des dommages garantis. 

L’assureur doit ainsi veiller à la pertinence des travaux de reprise qu’il met en œuvre.

L’assurance dommage-ouvrage est une assurance de chose, souscrite pour le compte de qui il appartiendra. Elle se transmet aux propriétaires successifs, elle ne peut être mise en œuvre que par le propriétaire assuré au jour de la survenance du dommage. 

Dans un arrêt du 15 septembre 2016 – pourvoi n° 15-21.630, la 3ème Chambre de la Cour de Cassation a rappelé que : « sauf clause contraire, l’acquéreur d’un immeuble a seul qualité à agir en paiement des indemnités d’assurance contre l’assureur garantissant les dommages à l’ouvrage, même si la déclaration de sinistre a été effectuée avant la vente ».

La mise en œuvre de l’assurance dommage-ouvrage est prévue dans un cadre législatif strict d’ordre public qui prévoit 4 étapes :
- déclaration de sinistre,
- constat et expertise des dommages,
- mesures conservatoires,
- détermination et affectation de l’indemnité. 

Ainsi, l’Assuré doit faire connaître le dommage à l’assureur par une déclaration de sinistre au moyen d’un écrit établi par la personne habilitée et comporter les informations obligatoires décrites dans les textes. 

Le point de départ de la gestion du sinistre peut être reporté par l’assureur au jour de la réception des éléments manquants. 

La Cour de Cassation dans un arrêt du 14 mars 2012 pourvoi n° 11-10961 – a rappelé que : « Faire une déclaration de sinistre est obligatoire, même s’il s’agit de l’aggravation d’un sinistre ancien ».

La Cour de Cassation impose le strict respect de l’article L 242-1 du code des assurances qui exige la déclaration préalable d’un sinistre pour demander la mise en jeu de la garantie.

Bien plus la Cour de Cassation avait estimé dans un arrêt rendu le 5 novembre 2008 pourvoi n° 07-15449 qu’un sinistre ne pouvait être déclaré par télécopie auprès de l’assureur dommage-ouvrage. La Cour précisait que pour mettre en jeu la garantie l’assuré est tenu de faire une déclaration de sinistre par écrit contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception.

Il convient de rappeler que le code des assurances prévoit la forme et le contenu de la déclaration qui est le point de départ des délais régissant la procédure de règlement du préfinancement des travaux de réparation.

Selon la Cour de Cassation la télécopie ne remplit pas les conditions d’exigence d’un écrit.

Dès lors que le sinistre dépasse 1.800 euros, l’expertise est obligatoire.
L’assureur désigne son expert lequel peut faire l’objet d’une récusation par l’assuré.

A partir de la déclaration de sinistre, l’assureur doit notifier à l’assuré dans les 60 jours sa décision sur l’application des garanties avec communication au plus tard à cette date du rapport préliminaire. C’est dans ce délai que l’Assureur peut faire valoir toutes les exceptions de non garantie qui seraient acquises. 

Dans sa notification, l’assureur peut soit refuser la garantie de manière motivée, soit considérer que ses garanties ont vocation à s’appliquer. Dans ce cas l’assureur a trente jours pour proposer à l’assuré une indemnité.

Les délais peuvent être prorogés si le désordre présente une complexité technique particulière mais avec l’accord de l’assuré et dans un délai maximum de 135 jours. 

A défaut de respecter la procédure l’assureur perd la possibilité de refuser sa garantie et l’assuré a la possibilité d’engager les dépenses nécessaires. 

Si l’assureur ne respecte pas les délais légaux des sanctions prévoient la garantie automatique des sinistres et l’indemnité due est majorée de plein droit d’un intérêt majoré.

Dans un arrêt du 30 juin 2016, pourvoi n° 14-25.150, la 3ème Chambre de la Cour de Cassation a jugé : En l’absence de notification du rapport préliminaire préalablement à sa prise de position sur la garantie, l’assureur dommages-ouvrage doit garantir les désordres déclarés, dans la limite de l’objet assuré par les stipulations contractuelles.

Le Maître d’ouvrage avait déclaré un sinistre à l’Assureur, lequel avait communiqué simultanément le rapport préliminaire et sa décision de refuser sa garantie pour le désordre, le contrat d’assurance prévoyait certaines limites à la garantie, l’article L 242-1 du code des Assurances prévoit que « lorsque l’assureur ne respecte pas l’un des délais prévus par L242-1 ou propose une offre d’indemnité manifestement insuffisante, l’assuré peut, après l’avoir notifié à l’assureur, engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages ». Dans ce cas, la sanction imposée à l’assureur est qu’il doit rembourser le montant des dépenses engagées par le Maître d’Ouvrage pour faire les travaux qui s’imposaient.

La Cour d’appel a jugé que les limites contractuelles de la garantie ne trouvaient pas à jouer s’agissant d’une garantie acquise à titre de sanction résultant de la loi.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et juge « qu’en l’absence de notification du rapport préliminaire préalablement à sa prise de position sur la garantie, la sanction de l’assureur dommages-ouvrage, qui l’oblige à garantir les désordres déclarés, est limitée à l’objet assuré par les stipulations contractuelles ».

Dans le cas où l’assuré aura perçu l’indemnité pour réparer les désordres garantis il lui appartiendra de démontrer qu’il a réalisé les travaux de reprise.

Dans un arrêt du 4 mai 2016, pourvoi 14-19.804, la 3ème Chambre de la Cour de Cassation l’a rappelé avec beaucoup de vigueur. 

Le Maître d’Ouvrage qui perçoit de son assureur dommages-ouvrages une indemnité en vue de la réparation des désordres est tenu d’affecter la somme allouée aux réparations.

On le voit, la Cour de Cassation veille à la bonne application de la Loi Spinetta qui a réussi à mettre en place en son temps une procédure de règlement accéléré des litiges nés de la responsabilité des constructeurs. 

Chantal Millier-Legrand associée du département droit immobilier,
Cabinet Simon Associés.

Article initialement publié dans le Journal du Management Juridique n°56.

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