Comment financer sa start-up ?

A l’aune de la création de BPI France sous le gouvernement de François Hollande, de la loi pour une République numérique en 2016, du lancement du programme French Tech Visa visant à attirer les talents internationaux de la Tech, les initiatives ne manquent pas aujourd’hui pour favoriser l’émergence d’un écosystème en plein essor.
L’arrivée en France d’incubateurs tels que Station F, ou la création de programmes d’accompagnement axés sur le « Scale Up » démontrent que la France tend à devenir aujourd’hui une « Startup Nation ».

Par le biais de nombreux moyens mis à disposition d’un startuper, il est aujourd’hui aisé de lever des fonds. Mais si lever des fonds n’est pas une fin en soi, le parcours de financement d’une start-up n’est pas un long fleuve tranquille.
Si le recours aux banques semble être une solution de financement évidente pour bon nombre d’entrepreneurs, ces derniers ne sont pas à l’abri de se voir opposer un refus des banques, refus justifié notamment par un manque de revenus ou de garanties suffisantes.

Ainsi, de par la multitude d’acteurs et des modes de financements alternatifs proposés aujourd’hui (financements privés, publics, dilutifs, non dilutifs, internes, externes), une start-up se doit de faire les bons choix au bon moment, l’objectif visant, rappelons-le, à transformer le marché par un projet ambitieux.

Tour de table de ces différents modes de financement.

I. Le pré-seed : de l’idée à la recherche des premiers financements.

L’autofinancement lorsque le projet n’est qu’au stade de l’idée.

Un entrepreneur démarre souvent son projet par un capital de départ, issu de son apport personnel, pour ne pas avoir à emprunter les fonds auprès des banques durant les premiers mois.

Il pourra également solliciter son réseau, par le biais notamment de la love money , en incitant son cercle proche (amis, famille), à investir dans son projet, moyennant de faibles intérêts, ou l’acquisition de certaines actions de sa société.

Un second dispositif permet de faciliter économiquement la création d’entreprise.
L’ACCRE est une aide accordée par pôle emploi aux personnes au chômage désireuses de créer ou reprendre une société, et aux jeunes âgés de 18 à 25 ans révolus. Cette aide permet aux personnes éligibles de bénéficier d’une exonération totale ou partielle de cotisations sociales pendant un an, et de prétendre à d’autres aides.

Une alternative courante pour les premiers besoins : le « crowdfunding ».

Le crowdfunding , ou financement participatif, permet au porteur de projet de récolter les fonds nécessaires, généralement de faibles montants, d’un grand nombre de particuliers par le biais d’une plateforme dédiée sur internet.

Ce mode de financement peut prendre la forme d’un don (on parle alors de crowdgiving ), ou être subordonné à une récompense ( reward based crowdfunding ).

La personne physique ou morale qui souhaite adhérer au projet peut également investir dans ce dernier en contrepartie de l’acquisition de parts dans l’entreprise ( equity crowdfunding ).

Une autre déclinaison de ce type de financement permet d’octroyer via la plateforme un prêt participatif ( crowdlending ).

Les subventions publiques, un processus long mais non dilutif

Le financement public possède des avantages non dilutifs pour l’entrepreneur qui ne souhaite (pas encore) ouvrir son capital.

Au terme de ces subventions figure le prêt d’honneur (à taux zéro, sans caution ni garantie) dont la durée est comprise entre 2 et 5 ans, et qui s’adresse aux porteurs de projets ayant peu ou pas d’apport personnel. Ce prêt a pour objectif de financer une partie des besoins afférents à une création d’entreprise (investissements en matériels, besoins en fonds de roulement etc.). Il crée un effet levier dans la mesure où le porteur de projet possédera des fonds propres qui lui permettront d’obtenir un prêt complémentaire par la suite.

D’autres dispositifs instaurés par la BPI permettent aux entreprises éligibles qui se créent avant le 31 décembre 2019 de bénéficier d’exonérations fiscales et sociales. On peut citer à ce titre le statut de jeune entreprise innovante (JEI), le crédit d’impôt recherche (CIR) ou encore le crédit d’impôt innovation (CII).
Cependant, le recours à ces aides est subordonné à la détention de fonds propres au moment où la start-up sollicitera ces fonds, car le montant qu’elle pourra obtenir ne pourra excéder le montant de ses fonds propres.

II. Le Seed : le premier tour de table.

Le Seed correspond au premier tour de table de la start-up en phase d’amorçage.
A ce stade, ce sont les Business Angels ou les petits fonds d’amorçage qui financent les tickets, qui sont généralement compris entre 250.000 et 800.000 euros.

L’inconvénient ? L’entrepreneur n’est plus « chez-lui », et la collocation est le prix à payer. Il sera dilué et devra faire équipe avec d’autres personnes que ses cofondateurs.

Le BSA-AIR, une alternative à mi-chemin entre le Seed et la love money.

Le BSA-AIR est un bon de souscription autonome dans le cadre d’un accord d’investissement rapide. Cette solution de financement innovante développée par la pratique est particulièrement adaptée aux start-ups et avantage également les investisseurs. L’objectif de ce mode de financement vise à permettre au porteur de projet en phase d’amorçage de lever des fonds rapidement tout en figeant le débat sur la valorisation de sa société.

Par ce mode d’investissement, le porteur de projet peut faire entrer de la love money. L’investisseur injecte des fonds dans la société, et il n’obtiendra des actions de cette dernière qu’à la survenance d’un événement ultérieur (par exemple lors d’une future augmentation de capital ou d’une levée de fonds), moyennant l’obtention d’un bon de souscription d’actions (BSA).

Lors de la survenance de cet événement ultérieur, l’investisseur obtiendra des actions de la société, qu’il aura payées à la valeur nominale sur la base d’une valorisation décotée.

L’inconvénient ? Le BSA-AIR est un mode de financement dilutif.

III. Les séries A et B : l’entrée dans la cour des grands.

La série A : à la recherche de la scalabilité [1]

La série A est un "passage obligé" lorsque la société a trouvé son modèle économique à petite échelle et souhaite « scaler  ». Il s’agit d’un second tour de table qui fera intervenir des fonds d’investissement. L’objectif est de rendre scalable le projet en le rentabilisant et en le développant sur un plan national, puis international. Les montants varient entre 800.000 et 3 millions d’euros sur cette phase.

La série B : vers la cohérence du business model.

La société a trouvé son modèle économique et/ ou possède un potentiel de croissance fulgurant. Elle devient donc scalable. La série B permet à la société qui a gagné la confiance des investisseurs de procéder désormais à un troisième tour de financement. Ce troisième round permettra à la société de s’étendre géographiquement (en s’internationalisant), ou de procéder à une acquisition externe (par le rachat d’un concurrent). Généralement, les mêmes investisseurs que ceux de la série A remettent au pot.

Le montant investit oscille entre 3 et 10 millions d’euros.

Avantages ? Pas de dettes à court terme, pas d’intérêts à payer, et pas de garanties à consentir (le patrimoine des founders n’est donc pas en jeu). L’investisseur quant à lui, en plus d’apporter les fonds, contribue au développement du projet en y apportant son expérience et son carnet d’adresses.

Inconvénients ? Le temps (il faut compter plusieurs mois pour trouver les premiers investisseurs, qui devront ensuite se mettre d’accord avec les porteurs de projet sur un term sheet définitif, les négociations pouvant s’éterniser parfois).

IV. Les ICO : une nouvelle forme de crowdfunding.

Les Initial Coin Offerings (ICO) constituent aujourd’hui un mode de financement à mi-chemin entre les levées de fonds et le financement participatif (crowdfunding).

Cette levée de fonds en cryptomonnaies consiste à émettre des actifs numériques échangeables (des jetons, ou tokens) contre des cryptomonnaies utilisées pour financer le développement de projets de start-ups spécialisées dans la blockchain.

Avantages ? La flexibilité de ce mode de financement, qui permet un accès immédiat aux liquidités.

Inconvénient ? Le flou juridique et réglementaire entourant ce mode de financement.

Johara Admi, Elève-avocat.

Rédaction du site des Experts de l’entreprise.


Notes

[1Scalable/Scalabilité : se dit de la montée en croissance d’une start-up, de son changement d’échelle. Une start-up est « scalable » lorsqu’elle possède la capacité de s’adapter d’un point de vue dimensionnel, tant vers des tailles inférieures que supérieures. Une forte augmentation de son volume d’activité ne constituera pas un obstacle à l’adaptation de son business model.