Admission au passif d’une créance d’intérêts à échoir.

Cass. com., 7 novembre 2018, n°17-22.194

Dans le cas où le montant d’une créance d’intérêts à échoir peut être calculé au jour de la déclaration de la créance, le juge-commissaire et, à sa suite, la Cour d’appel n’ont pas, dans leur décision d’admission, ni à en préciser les modalités de calcul, ni à réserver la possibilité d’une modification ultérieure du montant de cette créance en raison d’événements susceptibles d’influer sur le cours des intérêts.

Un plan de sauvegarde a été arrêté le 18 janvier 2016 au profit d’une société exploitant une officine pharmaceutique. Une banque a déclaré au passif une créance au titre d’un prêt comprenant un montant échu et un montant à échoir, laquelle incluait le montant du capital restant dû et des intérêts contractuels à échoir pour un montant déjà calculé. La société débitrice et le commissaire à l’exécution du plan ont contesté cette créance.

Cependant, la Cour d’appel a admis au passif à titre privilégié la créance de la banque à concurrence d’une certaine somme à titre échu et d’une autre à échoir, cette dernière incluant les intérêts contractuels à échoir.

La société débitrice et le commissaire à l’exécution du plan ont formé un pourvoi, dans lequel ils affirment en particulier que : « l’impossibilité de connaître, au jour de la déclaration de la créance, le montant des intérêts dont le cours n’est pas arrêté, qui ne pourra être connu qu’au jour de l’arrêt du cours des intérêts, fait obstacle à la possibilité pour le juge-commissaire de liquider la créance correspondante lors de sa décision d’admission » et précisent que dans ce cas le juge-commissaire peut seulement admettre le montant des échéances impayées avant l’ouverture de la procédure collective ainsi que celui du capital restant à échoir, en précisant les modalités de calcul des intérêts restant à courir au taux contractuel sans pouvoir immédiatement en fixer le montant ».

La Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que « l’article R.622-23 du Code de commerce n’exige l’indication des modalités de calcul des intérêts dont le cours n’est pas arrêté que dans le cas où leur montant ne peut être calculé au jour de la déclaration de la créance ; que la déclaration litigieuse incluant le montant, déjà calculé, des intérêts à échoir, la Cour d’appel, qui n’avait, dans sa décision d’admission, ni à préciser les modalités de calcul de la créance d’intérêts à échoir, ni à réserver la possibilité d’une modification ultérieure du montant de cette créance en raison d’événements susceptibles d’influer sur le cours des intérêts, n’a pas méconnu les exigences des articles L.622-25 et R.622-23, 2° du Code de commerce ».

L’article L.622-25 du Code du commerce prévoit que « la déclaration porte le montant de la créance due au jour du jugement d’ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances ».

Et l’article R.622-23, 2° du Code de commerce énonce qu’« outre les indications prévues à l’article L.622-25, la déclaration de créance contient […] [les] modalités de calcul des intérêts dont le cours n’est pas arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté ».

Pour rappel, les intérêts continuant à courir après le jugement d’ouverture sont bien des créances antérieures qui doivent être déclarées, puisque le fait générateur de ces intérêts se trouve dans la créance principale, elle-même antérieure au jugement d’ouverture.

La Cour de cassation accepte que la déclaration des intérêts à échoir précise seulement le montant du capital à échoir, les dates d’échéance et les taux d’intérêts conventionnels et de retard.

En principe, le juge-commissaire doit quant à lui indiquer, dans sa décision d’admission, les modalités de calcul de la créance d’intérêts sans en fixer le montant.

Cependant, la Cour de cassation admet que si le montant des intérêts à échoir peut être calculé par le créancier au jour de sa déclaration de créances, l’article R.622-23, 2° du Code de commerce ne s’applique pas et ce dernier n’est pas obligé de distinguer le montant des intérêts à échoir du montant du capital à échoir dans sa déclaration (Cass. com., 5 mai 2015, n°14-13.213).

Dans ce cas, le juge-commissaire n’a pas à prévoir les modalités de calcul des intérêts à échoir dans sa décision d’admission (Cass. com., 2 nov. 2016, n°15-10.161).

L’arrêt du 7 novembre 2018 permet à la Cour de cassation de réaffirmer cette position mais également de préciser que ni le juge-commissaire, ni la Cour d’appel n’ont « à réserver la possibilité d’une modification ultérieure du montant de cette créance en raison d’événements susceptibles d’influer sur le cours des intérêts ».

En l’espèce, la société débitrice et le commissaire à l’exécution du plan mentionnaient au titre « d’événements susceptibles d’influer sur le cours des intérêts » l’existence d’une clause de remboursement anticipé.

Dans le cas où le montant des intérêts à échoir peut être calculé au jour de la déclaration de la créance, le juge-commissaire, puis la Cour d’appel n’ont donc pas non plus à assortir leur décision d’admission d’une quelconque réserve au cas où le montant des intérêts déclarés serait susceptible de varier.

A rapprocher : Article L.622-25 du Code du commerce ; Article R.622-23 du Code de commerce ; Cass. com., 5 mai 2015 n°14-13.213 ; Cass. com., 2 novembre 2016, n°15-10.161

Article Marie Robineau, avocate associée et Guillaume Coatanea, avocat au sein du département Entreprises en Difficulté et Retournement

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